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[tribune] littoral

Erosion côtière et loi Littoral : pas de relocalisation dans les espaces remarquables

Publié le 08/07/2024 • Par Auteur associé • dans : Actu juridique, France, Opinions, Tribune

Professeur à l'université de La Rochelle
Dr
Dans le sillage de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, l’ordonnance du 6 avril 2022 sur l’aménagement durable des territoires littoraux permet, à de strictes conditions, de déroger au principe d’extension en continuité de l’urbanisation pour mettre en œuvre une opération de relocalisation de biens menacés par l’érosion. Pour Laurent Bordereaux, juriste et professeur à l’université de La Rochelle, y voir une possibilité de déroger au régime protecteur des espaces remarquables paraîtrait bien aventureux.

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Laurent Bordereaux

Juriste, professeur à l’université de La Rochelle

La prise de conscience des enjeux complexes de l’érosion côtière, liée à une meilleure connaissance des littoraux français et à une réflexion sur l’habitat et l’activité économique en bord de mer, a permis d’imaginer un certain nombre d’outils juridiques destinés à mieux appréhender le recul du trait de côte sur le plan du droit. En la matière, les collectivités territoriales (particulièrement les communes et leurs groupements) sont plus que jamais dans l’attente d’un cadre législatif et réglementaire clair…

La célèbre loi Littoral du 3 janvier 1986 ne pouvait pas rester en marge de cette réflexion et de ces évolutions juridiques, ce qui n’est bien évidemment pas un objet de scandale. Ce monument législatif du régime de protection des zones côtières devait sans doute apporter sa contribution à la logique, très prégnante aujourd’hui, qui consiste à « s’adapter plutôt que lutter »(1)… Comment ne pas accueillir, dans la loi Littoral, la problématique de l’érosion côtière ?(2)

C’est précisément l’un des objets de l’article 7 de l’ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l’adaptation des territoires littoraux au recul du trait de côte, codifié à l’article L. 312-9 du Code de l’urbanisme.

Déroger au principe d’extension en continuité de l’urbanisation…

Rappelons que l’idée générale du dispositif est de permettre, sur le territoire des communes listées dans le décret (modifié) n° 2022-750 du 29 avril 2022 (3), dans le cadre d’un projet partenarial d’aménagement et « dans la mesure nécessaire à la relocalisation de constructions, d’ouvrages ou d’installations menacés par l’évolution du trait de côte », de déroger aux exigences de la loi Littoral imposant la continuité des extensions de l’urbanisation avec les zones véritablement urbanisées (agglomérations et villages existants) (4).

L’objectif de l’ordonnance du 6 avril 2022 est donc de pouvoir, le cas échéant, s’affranchir de la rigueur de ce principe « anti-mitage » de la loi Littoral pour mieux organiser les opérations de recomposition des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte. Ce dispositif dérogatoire est toutefois fortement conditionné : d’une part, il nécessite « l’accord de l’autorité administrative compétente de l’Etat » et l’avis (simple) de la CDNPS (commission départementale de la nature, des paysages et des sites) ; d’autre part, cette possible relocalisation de biens en discontinuité doit se réaliser « en dehors des espaces proches du rivage (5), des espaces et milieux à préserver mentionnés à l’article L. 121-23 et d’une bande d’une largeur d’un kilomètre à compter de la limite haute du rivage » (C. urb., art. L. 312-9 1°). Les fameux espaces remarquables « ou caractéristiques du patrimoine ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral » (6), ainsi que « les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques », sont donc clairement exclus du champ de la dérogation.

Dans le même esprit, l’ordonnance du 6 avril 2022 affirme qu’une opération de relocalisation peut conduire à déroger à l’interdiction d’étendre le périmètre bâti existant des « secteurs déjà urbanisés » (SDU) identifiés par le SCoT (et délimités par le PLU) posée à l’article L. 121-8 al. 2 du code de l’urbanisme, mais toujours en dehors des espaces proches du rivage et des espaces remarquables du littoral (C. urb., art. L. 312-9 2°) (7).

…sans déroger à la protection des espaces remarquables du littoral

Si ce cadre semble suffisamment clair pour ne pas créer de difficultés particulières sur le sens et la portée du principe même de l’exception à la loi Littoral issue de l’ordonnance du 6 avril 2022, il n’en va pas de même, semble-t-il, du cas particulier permettant d’aller plus loin dans la mise en œuvre du dispositif dérogatoire : « Sous réserve de l’autorisation du ministre chargé de l’urbanisme et de l’avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 121-8 et les dérogations mentionnées aux 2° et 3° du présent article peuvent être appliquées, à titre exceptionnel, dans les espaces proches du rivage autres que la bande littorale mentionnée aux articles L. 121-16L. 121-19 et L. 121-45, les zones délimitées en application de l’article L. 121-22-2 et les espaces et milieux à préserver mentionnés à l’article L. 121-23 » (C. urb., art. L. 312-9 al. 5).

Ces dispositions, essentiellement liées à l’urbanisation — modérée — des hameaux éligibles à la loi Elan (SDU de l’article L. 121-8 al. 2 du code de l’urbanisme), ne vont pas sans poser quelques problèmes d’interprétation, liés à la rédaction de l’ordonnance du 6 avril 2022 sur ce point. Ainsi, doit-on en déduire qu’elles autorisent (aux conditions posées) la relocalisation à la fois dans les espaces proches du rivage (mais en dehors de la bande des 100 mètres et de la zone ultra-marine dite des 50 pas géométriques), dans les zones d’érosion côtière de la loi Climat et Résilience (8) et dans les espaces remarquables du littoral ? Nous ne le pensons pas, même s’il peut exister des interprétations en ce sens (9).

Notre lecture nous conduit à en déduire, au contraire, que la relocalisation est exceptionnellement possible dans les espaces proches du rivage (ce qui est proscrit en principe), mais en dehors de la bande des 100 mètres (ou des « 50 pas »), des zones d’érosion et des espaces remarquables. Cette interprétation est donc tout à fait différente, cantonnant cette exception bien spécifique à quelques hypothèses de relocalisation au sein d’espaces proches du rivage, dans un SDU ou à partir d’un SDU (identifié et délimité par le SCoT et le PLU comme le précise l’article L. 312-10 du code de l’urbanisme).

Il faut d’abord tenter de convoquer « l’esprit de la loi » : la logique du dispositif, peu éclairée il est vrai par le rapport au Président de la République (10), semble plaider pour une interprétation restrictive : il s’agit bien de s’éloigner de la mouvance du trait de côte, en acceptant sous de strictes conditions une relocalisation en espace proche du rivage lorsque les réalités territoriales locales semblent l’imposer, mais en aucun cas d’introduire subrepticement ce qui pourrait ressembler à une dérogation plus générale aux principes de la loi Littoral (malgré les garde-fous).

Il faut ensuite tirer les conséquences d’une interprétation qui autoriserait (fût-ce à titre exceptionnel et dans un cadre limité) à relocaliser à la fois dans les espaces proches du rivage, les zones d’érosion délimitées et les espaces remarquables, pour mieux souligner ses limites et -donc- son caractère (très) discutable. En effet, dans la mesure où l’objectif est de s’éloigner d’un risque naturel, permettre une éventuelle relocalisation dans une autre zone d’érosion (potentiellement dans une zone exposée au recul du trait de côte à l’horizon de 30 ans) semble dépourvu de sens, d’autant plus que le texte exclut sans ambiguïté la bande des 100 mètres, où se concentrent les secteurs d’érosion à court terme…

Quant à permettre des opérations affectant les espaces remarquables du littoral au sens de l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme, le texte de l’article L. 312-9 paraît lui-même exclure cette hypothèse (dans son dernier alinéa), puisque les autorisations et accords requis « sont refusés lorsque ces constructions, ouvrages et installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages ». Or, des constructions nouvelles, dès lors que l’on se situe en espace remarquable (en dehors des seuls aménagements légers autorisés par la loi Littoral), ne portent-t-elles pas par nature atteinte à l’environnement ou aux paysages ? Le dispositif dérogatoire, pris dans sa globalité et relié à l’ensemble des dispositions protectrices de la loi Littoral, ne manquerait-il pas de cohérence ?

Vigilance pour les acteurs locaux

On l’aura compris, à l’heure où les projets de recomposition se développent et où les documents locaux d’urbanisme sont appelés à intégrer la problématique complexe de l’érosion, la législation relative au recul du trait de côte ne saurait a priori conduire à porter atteinte aux espaces remarquables du littoral au sens de l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme (même de manière « mesurée »). Les communes et leurs groupements, ainsi que leurs bureaux d’études, doivent se montrer vigilants en la matière.

Chacun conviendra que l’objectif de l’ordonnance du 6 avril 2022 est de faciliter les opérations dites de recomposition des territoires littoraux, et non d’alimenter le contentieux afférent au « noyau dur » de protection de la loi Littoral.

Notes

Note 01 Voir le récent rapport annuel 2024 de la Cour des comptes, notamment consacré à la gestion du trait de côte en période de changement climatique). Eu égard au fort degré d’intérêt général du sujet, il eût été malvenu de s’y opposer frontalement, à l’heure où tant de compromis délicats ont été trouvés aux fins de déroger aux principes de la loi Littoral concernant les énergies renouvelables (terrestres et marines), et où la pression des professionnels de la téléphonie mobile finira sans doute par trouver sa dérogation (de manière beaucoup plus discutable)((O. Pinaud, « Les opérateurs télécoms ciblent la loi Littoral », Le Monde, 6 juin 2024, p. 6. Retour au texte

Note 02 Cette problématique, au demeurant, n’est pas nouvelle : L. Bordereaux, « Déroger à la loi Littoral pour mieux appréhender la mer ? », Le marin, 23 mars 2017, p. 33. Retour au texte

Note 03 Voir le décret n° 2024-531 du 10 juin 2024 modifiant le décret n° 2022-750 du 29 avril 2022 établissant la liste des communes dont l'action en matière d'urbanisme et la politique d'aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l'érosion du littoral. Retour au texte

Note 04 Art. L. 121-8 al. 1 du code de l’urbanisme : « L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants ». Retour au texte

Note 05 On rappellera qu’au sens de la loi Littoral, telle qu’interprétée par le juge administratif, « pour déterminer si une zone peut être qualifiée d'espace proche du rivage au sens des dispositions précitées, trois critères doivent être pris en compte, à savoir la distance séparant cette zone du rivage, son caractère urbanisé ou non et la covisibilité entre cette zone et le plan d'eau » : CE, 3 juin 2009, Commune de Rognac, n° 310587. Retour au texte

Note 06 Art. L. 121-23 du code de l’urbanisme (espaces remarquables du littoral) : « Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques ». Retour au texte

Note 07 Enfin et dans le même sens, il peut être dérogé « à l'obligation fixée à l'article L. 121-22 de prévoir des coupures d'urbanisation dans les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme, sauf en ce qui concerne les espaces proches du rivage et les espaces et milieux à préserver mentionnés à l'article L. 121-23 » (C. urb., art. L. 312-9 3°). Retour au texte

Note 08 Article L. 121-22-2 du code de l’urbanisme : « Le document graphique du règlement du plan local d'urbanisme ou du document en tenant lieu applicable dans les communes mentionnées à l'article L. 121-22-1 délimite sur le territoire de ces communes : 1° La zone exposée au recul du trait de côte à l'horizon de trente ans ; 2° La zone exposée au recul du trait de côte à un horizon compris entre trente et cent ans ». Retour au texte

Note 09 Banque des Territoires, Recul du trait de côte dans les zones littorales : penser l’aménagement durable pour demain, 15 déc. 2022 Retour au texte

Note 10 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l'aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte, JO n° 0082 du 7 avr. 2022 : « Dans l’objectif de lever certains obstacles liés à l’application de la loi littoral et pour faciliter la mise en œuvre des opérations de relocalisation des installations et constructions menacées par le phénomène d’érosion, l’article 7 du projet d’ordonnance ouvre la possibilité aux communes incluses dans le régime spécifique au recul du trait de côte créé par la loi climat et résilience et engagées dans une démarche de projet partenarial d’aménagement (PPA) de déroger à titre subsidiaire à certaines règles, notamment à l’obligation de construire en continuité de l’urbanisation existante, lorsque ces dispositions empêchent la mise en œuvre d’une opération de relocalisation de biens ou d’activités menacés dans des espaces plus éloignés du rivage, moins soumis à l’aléa du recul du trait de côte. Ces possibilités de dérogations sont strictement encadrées et limitées, ainsi que l’exige l’habilitation concédée par le législateur ». Retour au texte

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