À l’aube des 20 ans de l’article L.1425-1 du Code Général des Collectivités Territoriales, promulgué en 2004 (LCEN), un bilan s’impose. Instauré pour permettre aux collectivités de se lancer dans les Réseaux d’Initiative Publique (RIP) de première génération, cet article a été le catalyseur de nombreux projets transformateurs. Aujourd’hui, alors que ces réseaux atteignent leur échéance contractuelle, une question taraude : quel avenir pour ces millions d’euros investis ?
Historiquement, des territoires comme la Moselle, l’Oise et la Manche ont été des pionniers, déclenchant une vague de près de 150 réseaux d’initiative publique créés par les collectivités locales entre 2004 et 2011, pour 1,9 Mds € de subventions (sur 3,4 Mds € investis) et 53 000 km de fibre optique déployés. Ces projets, principalement sous formes de Partenariats Publics-Privés (DSP généralement), ont non seulement commencé à pallier les insuffisances de couverture des zones blanches, grâce à des technologies comme le WiMAX, mais ils ont également posé les jalons du très haut débit et stimulé la concurrence et l’émergence de services innovants en leur temps (triple-play).
Vendre ou relancer ?
Alors que la fin de nombreux contrats de DSP devrait intervenir entre 2024 et 2028, les collectivités sont face à un dilemme : faut-il céder aux offres de rachat par des opérateurs privés ou envisager une reconversion qui s’inscrirait dans une vision à long terme ?
Le choix semble difficile, notamment en raison d’un déficit de compétences et de ressources pour explorer des alternatives viables. Avec des directives européennes plus strictes en matière d’aides d’État, et dans un contexte de restrictions budgétaires, la capacité à mobiliser des ressources pour transformer ces réseaux pourrait sembler limitée.
Dans les cas d’une opération de cession d’un réseau, la transparence et la juste valorisation des actifs cédés est indispensable. Ces opérations de cession font l’objet de contrôles des services de l’État (Préfecture, France Domaine) et européens. Les collectivités cédantes doivent être particulièrement vigilantes sur ces procédures et recourir à des mises en concurrence ouvertes.
Certains territoires se sont d’ores et déjà organisés, en prenant des postures différentes : revente du réseau (comme la Communauté Urbaine d’Arras), reprise en régie de tout ou partie des activités (en région Réunion, dans la Manche…), relance d’une DSP de même périmètre (Communauté d’Agglomération de Quimper, par exemple), intégration du RIP 1G dans un projet FttH (en Sarthe), ou encore relance d’un contrat mixte sur un contour « augmenté » (en Moselle notamment).
Pour d’autres, la question reste ouverte. Ces réseaux représentent un patrimoine numérique considérable, dont le potentiel pourrait être le moteur d’une politique de services publics enrichie et plus ambitieuse.
Modèles hybrides
L’émergence de projets dits « smart », ou intelligents, laisse penser que l’heure n’est pas à la liquidation de ce patrimoine, dont les collectivités n’ont jamais eu autant besoin, mais plutôt à leur transformation en leviers stratégiques pour les territoires. Ces infrastructures peuvent devenir la colonne vertébrale de territoires intelligents, soutenant tout, depuis la gestion des déchets à la surveillance urbaine, en passant par les systèmes de transport intelligents.
Dans ce contexte, une nouvelle vague d’initiatives est en train de voir le jour. L’expérimentation de modèles hybrides – dits contrats mixtes, mélangeant les principes d’un contrat DSP et ceux d’un marché de services, offre une voie prometteuse. Ces modèles permettent de réconcilier les exigences économiques avec les impératifs de développement durable et d’innovation publique des collectivités.
Il ne s’agit pas de se contenter de gérer un héritage technologique, mais d’en faire le soutènement d’une politique dynamique de services innovants et résilients. En réévaluant et en investissant dans l’adaptation de ces infrastructures, non seulement pour satisfaire leurs propres besoins en télécommunications, mais aussi pour enrichir l’offre de services publics, les collectivités pourront se réapproprier certaines technologies, comme les solutions radios, d’hébergement, de plateformes de traitement de données et ainsi enrichir leur connectivité et réinventer l’espace public numérique pour les décennies à venir.
La réflexion sur l’avenir des RIP 1G ne doit pas seulement être une question de survie ou de profit immédiat. C’est une question de vision, de leadership et d’engagement envers l’innovation durable qui peut transformer substantiellement la manière dont les services publics répondent aux attentes des citoyens.
Les collectivités locales ont, à travers ces réseaux, une opportunité inestimable de redéfinir leur rôle et de s’ériger en modèles de gestion et d’optimisation des ressources numériques au service du public. L’avenir des RIP 1G, loin d’être un fardeau du passé, est un tremplin vers un futur connecté et innovant.
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