Par Jean-Marie Beauvais, conseiller du groupe « environnement et nature » du Conseil économique, social et environnemental (Cese),
et Jean-Yves Lautridou, conseiller du groupe de la CFDT au Cese,
corapporteurs de l’avis « Eau potable : des enjeux qui dépassent la tarification progressive » du Cese, voté le 29 novembre.
Comment se préparer à la raréfaction de la ressource en eau potable et accompagner la transition des usages vers la sobriété ? Parmi les pistes figurant dans le Plan eau, adopté début 2023 par le gouvernement en réponse aux pénuries d’eau potable rencontrées par plus d’un millier de communes françaises lors de la sécheresse estivale de 2022, la tarification progressive pourrait constituer une solution. Pour autant, elle ne peut être pensée indépendamment d’autres mesures essentielles à la transition de nos usages vers davantage de sobriété.
La tarification progressive de l’eau telle qu’elle est actuellement mise en place dans certaines collectivités présente des limites qui empêchent sa généralisation sur le territoire. Souvent complexe et coûteuse pour les collectivités, elle reste difficilement applicable à certains usagers : particuliers en habitat collectif qui ne disposent pas de compteur individuel, entreprises ou services publics gros consommateurs d’eau dont l’équilibre financier pourrait être fragilisé.
Des mesures en faveur des ménages défavorisés
Cette tarification peut, de plus, s’avérer injuste socialement si elle n’est pas accompagnée de mesures correctives en faveur des ménages défavorisés et en particulier des familles nombreuses.
Afin de répondre à ces enjeux, le Conseil économique, social et environnemental a formulé plusieurs préconisations. Tout d’abord, un plan national devrait être mis en place pour fournir à chaque usager un compteur d’eau individuel, avec des mesures incitatives, notamment financières et des actions de sensibilisation et d’accompagnement.
Ensuite, le Cese suggère de mettre fin à la tarification dégressive d’ici à 2030 : des dispositifs d’appui technique et financier devront être déployés à destination des professionnels et des services publics, afin de les aider dans cette transition.
Enfin, dissocié de la tarification, un soutien des usagers les plus fragiles devra être mis en œuvre, par exemple, sous la forme d’une aide directe, accordée sous conditions de ressources.
Une étude prospective recommandée
Le Cese identifie des pistes complémentaires pour proposer une réponse adaptée aux particularités de chaque territoire. La tarification saisonnière constitue ainsi une solution pertinente pour les communes où l’équilibre entre la ressource et la consommation d’eau est menacé de façon saisonnière, y compris dans celles qui n’ont pas d’activité touristique.
Afin de mieux anticiper les impacts économiques, sociaux et environnementaux de l’augmentation attendue du prix de l’eau dans les prochaines années, le Cese recommande le lancement d’une étude prospective. Les solutions sont multiples pour encourager consommateurs et acteurs de l’eau vers une sobriété des usages et une gestion intelligente de la ressource : la tarification progressive est l’une d’entre elles, qui doit encore être améliorée et adaptée localement pour trouver sa pleine efficacité. Mais elle ne peut être la seule.
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