Le Président de la République a évoqué il y a quelques jours dans Le Point, analysée par La Gazette des communes, une décentralisation insatisfaisante qu’il voit comme un « millefeuille » qui dilue les responsabilités. La solution résiderait dans une énième réforme institutionnelle, qui privilégierait la déconcentration à la décentralisation.
Outre le besoin de souffler et de voir plutôt les compétences stabilisées entre les communes, inter communalités, départements et régions, outre le fait qu’une telle réforme nécessite des forces politiques majoritaires dont le gouvernement ne dispose pas, il est important d’éviter, comme le disait Sébastien Martin, Président d’Intercommunalités de France, la « gesticulation ».
Cessons les sujets et effets d’annonce qui pointent l’arbre masquant la forêt pour travailler sur les problèmes quotidiens des Français, là où ils nous attendent, là où nous prenons de grands risques à faire preuve de surdité.
Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, rappelait récemment que les Français ne sont pas dupes de ces stratégies de distraction. Parler de millefeuille administratif et de déconcentration, c’est réasseoir le rôle de l’Etat partout où il se trouve dans une visée jacobine, inefficace et aveugle à la crise démocratique.
La proximité, un investissement social
Pourquoi ne pas, au contraire, reconnaître celui des départements dans le renforcement de services publics de proximité capables de redonner vie et confiance aux territoires et à leurs habitants ? Pourquoi ne pas, au contraire, s’appuyer sur les Départements, capables d’animer les acteurs du territoire autant que des communautés de citoyens pour que s’expriment des besoins, des envies, des projets ?
La proximité n’est pas honteuse dépense, elle est investissement social, projets de vie, citoyenneté active, cohésion territoriale. La reconnaissance de ce rôle passe par un dialogue avec le gouvernement qui est non seulement nécessaire mais possible et salutaire.
Ce dont nous avons besoin c’est d’un pacte de confiance entre l’État et les collectivités au service des citoyens. Ce dont nous avons besoin, c’est de recouvrer une autonomie d’action locale. C’est ce qui permettra de lutter contre le démantèlement des réponses publiques, celles-là même qui font croître les inégalités et le sentiment d’abandon : la santé, l’éducation, un développement responsable et dynamique…
81 % des Français estiment ainsi que la vie à la campagne correspond à un mode de vie idéal. Un sentiment que l’on trouve d’abord chez les plus jeunes. Encore faut-il pouvoir concrétiser cette renaissance rurale, écologique et sociale. En ruralité, nous appelons à parler honnêtement de la fermeture des classes et des écoles, de la disparition des maternités et des citoyens sans médecin traitant, des accueils CAF qui, réduits et rationalisés dans France Services, voient leurs salariés diminuer et les plages d’ouverture passer de cinq jours par semaine à deux demi-journées, de l’accompagnement des aînés qu’on peine à réinventer, de la question des déplacements toujours reléguée…
Pour que le pacte social soit réel et non théorique dans tous les territoires français, nous proposons l’instauration d’un « Droit au village » conjuguant un bouclier de services publics, et l’affirmation du village comme première cellule sociale.
Le bouclier de services publics pourrait trouver une traduction simple dans l’idée de fixer par services d’intérêt général un critère de distance maximale exprimé en temps d’accès : aucune maternité à plus de 45 mn d’une commune, et un service d’urgence à plus de 30 mn.
Le plébiscite des villages comme première cellule sociale signifie les promouvoir comme lieux de la vie ensemble et d’innovations. Pour cela, il est indispensable de soutenir massivement les projets de transformation – via un fonds d’innovation territorial – dès lors que les habitants y sont impliqués, de leur élaboration à leur mise en oeuvre (nouveaux aménagements, nouvelles formes de logements, services réinventés et mieux adaptés, nouvelle organisation de vie ou de communication au sein de la cité).
Puisque c’est le chemin que le Président semble vouloir emprunter, nous proposons donc de soumettre à référendum cette question : « Êtes-vous favorable à la mise en place d’un « Droit aux villages » défini pour et avec les citoyens » ?
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