La secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, Bérangère Couillard, a annoncé jeudi 22 juin, en petit comité, les cinq leviers qu’elle compte déployer pour améliorer la collecte, le tri et le recyclage des emballages plastique. Ceci afin de préparer au plus vite le cahier des charges des éco-organismes s’occupant de cette filière – actuellement Citeo, pour l’essentiel, et Leko –, dont la fin de l’agrément est programmée pour la fin de l’année.
« Ces leviers s’appuient sur les propositions qu’ont faites les collectivités », confirme son entourage.
En retard sur les objectifs
Premier constat : « On est encore loin de nos objectifs », explique le cabinet de la secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, qui rappelle que le taux de recyclage des déchets d’emballages plastique est seulement de 23 %, alors que l’objectif à 2050 est de 50 %. Dans le cas spécifique des bouteilles plastique (un tiers du gisement), le taux plafonne (61 % en 2021 et 60 % en 2022), alors que la vente et la consommation de ces bouteilles ont augmenté de 4 % en 2022.
Lancement de la consigne pour réemploi
Pour Bérangère Couillard, « la mère des batailles, c’est la réduction des emballages plastique à usage unique », indique son entourage. Le premier de ces cinq leviers est donc la mise en place d’une consigne pour réemploi, en privilégiant le matériau verre. L’inox est aussi évoqué, tandis que les bouteilles plastique réutilisables présentent encore des points négatifs qui gênent leur réemploi.
Le 9 mai dernier, la secrétaire d’Etat avait déjà évoqué la mise en place d’emballages en verre standard, que certains distributeurs comme Carrefour se déclarent prêts à vouloir tester. Il y aurait un bonus pour les entreprises voulant l’utiliser. « Cela implique d’avoir suffisamment de points de reprise dans les supermarchés et hypermarchés, avec un montant de consigne à fixer avec les producteurs [entre 10 et 20 centimes d’euros], explique son cabinet. L’objectif est de l’expérimenter avec les volontaires, puis de le généraliser et le rendre obligatoire dans deux ans ».
Une étude de l’Ademe sur la consigne pour réemploi doit sortir fin juin pour nourrir la réflexion.
La fin des emballages plastique non recyclable
Deuxième levier : interdire les emballages plastique non recyclable en 2025, de manière progressive. Cela concerne par exemple les barquettes alimentaires en noir de carbone, le polystyrène expansé utilisé pour le calage dans les colis, les emballages en PVC, etc. Une liste des emballages qui posent problème existe déjà, réalisée par l’Ademe ; elle est également bien connue de Citeo. Des exemptions pourraient être réalisées pour des cas spécifiques, comme certains médicaments. « Cela nous amènerait à ne plus avoir que 10 à 20 % des emballages non recyclables en 2025 », indique le cabinet.
Collecte hors foyer
Le troisième levier concerne la collecte des déchets d’emballages hors foyer (tout ce qui n’est pas collecté par les collectivités) : dans les événements sportifs ou culturels, les entreprises, les établissements recevant du public (ERP), etc. Pour cela, la collecte des emballages qui auront été triés (via des poubelles jaunes) devra être gratuite, et donc à la charge des éco-organismes. Ce qui doit être inscrit dans le futur cahier des charges des éco-organismes.
Aider la tarification incitative
Le quatrième point concerne la tarification incitative, qui est déjà effective pour 7 millions de Français. « Cette mesure permet de générer 40 % de tri en plus », estime le cabinet de Mme Couillard. Reconnaissant que cette mesure fait peur aux élus, le gouvernement veut supprimer les freins à sa mise en place.
Sachant que c’est dans l’habitat dense qu’elle est le plus dur à mettre en œuvre, le gouvernement veut permettre aux collectivités de ne l’appliquer que dans les quartiers d’habitat pavillonnaire. Une mesure qui était demandée par les collectivités et qui n’est pas possible actuellement. Le ministère de la Transition écologique doit encore trouver un accord avec Bercy sur ce sujet.
Un malus pour les mauvais élèves
Enfin, le cinquième levier consiste à mobiliser les collectivités en retard sur les performances de collecte du bac jaune. « Il y a de grandes disparités entre les métropoles, certaines étant à 30 % ou 40 %, et d’autres encore à 10 %, note le ministère. Ceux qui sont en retard doivent progresser plus vite. »
Pour cela, il est prévu de mettre en place des contrats de performance individuelle entre les EPCI retardataires, l’Etat et l’éco-organisme. Ils viseront une progression sur les performances de collecte (les bons élèves en seront épargnés). Pour rappel, Citeo a des relations contractuelles avec près de 700 EPCI.
Pour construire ce contrat, il faudra réaliser un diagnostic territorial. Les EPCI s’engageront ainsi sur une trajectoire, et ceux qui refuseront ce contrat subiront un malus.
Il y aurait aussi un système de bonus/malus pour les collectivités en fonction de leurs taux de collecte des bouteilles plastique, du fait, là aussi, d’une grande disparité de leurs performances.
Au total, ces mesures nécessitent « des investissements supplémentaires chiffrés à 800 millions d’euros », nous révèle le cabinet de la secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, alors que cette filière pèse déjà pour 1,1 milliard d’euros (pour le fonctionnement et les investissements).
Consigne : une décision en septembre ?
Enfin, concernant la consigne pour bouteilles plastique, source d’une levée de bouclier des associations d’élus (lire notre article), la décision finale du gouvernement sur son éventuelle mise en place devrait intervenir en septembre, indique le cabinet (qui évoque les dernières annonces de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires). Cependant, la date n’est pas encore arrêtée. Là encore, une étude de l’Ademe à venir devrait nourrir le débat.
Plusieurs hypothèses sont sur la table, selon l’entourage de Bérangère Couillard : une consigne volontaire (à un niveau faible, environ 1 ou 2 centimes d’euro, avec un système de gratification), avec des automates dans 1 000 à 2 000 lieux (gares, halles marchandes, supermarchés, etc.) ; un vrai système de consigne, qui serait expérimenté dans une région ou généralisé.
Pour Intercommunnalités de France, la méthode ne passe pas
C’est peu dire que l’annonce de ces cinq mesures a été mal prise par les collectivités, alors ces dernières attendent toujours une quatrième et dernièrez réunion de concertation avec Bérangère Couillard. Selon Sébastien Martin, président d’Intercommunalités de France, « la méthode est totalement inacceptable : un report par quatre fois de la réunion concluant la concertation, des annonces faites à la hâte ce matin à la presse sans que les associations d’élus n’aient été mises au courant… Madame Couillard ne semble aucunement prendre la mesure du rôle des collectivités territoriales dans la transition écologique. Les déchets sont une compétence des intercommunalités et rien ne sera fait sans elles. »
Quant aux mesures annoncées, là encore la réaction est vive : « Il est dommage qu’il faille attendre que la secrétaire d’Etat soit dos au mur pour qu’elle daigne enfin reprendre à son compte un certain nombre de nos propositions. Cela fait des mois que nous parlons de l’importance du “hors foyer” pour atteindre les objectifs de collecte. Maintenant, il faut renoncer clairement et définitivement à ce projet de fausse consigne sur les bouteilles en plastique qui est une ineptie. »
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