« Le droit à la probité doit évoluer »
Béatrice Guillemont, directrice générale d’Anticor

Les détracteurs avancent souvent que cette proposition serait inconstitutionnelle au motif que, depuis 1999, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a évolué sur le fondement des principes de nécessité et d’individualisation des peines, de sorte que les peines automatiques sont interdites. C’est ce qui a poussé le législateur de 2017 à imposer la peine d’inéligibilité pour des infractions à la probité obligatoire et non automatique, le juge pouvant par décision motivée décider de ne pas la prononcer. Or il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’une peine au sens de la sanction pénale, mais d’une incapacité ! Le même conseil avait estimé que des citoyens peuvent être privés de leur éligibilité notamment pour une raison d’âge. En 1992, le législateur supprime l’interdiction d’inscription sur les listes électorales des individus condamnés pour certaines infractions. Mais il le fait de sa propre volonté et non d’une obligation issue de la jurisprudence du Conseil !
A Anticor, nous militons pour que cette mesure s’applique aux élections nationales. Nous pensons que les infractions criminelles et à la probité doivent être a minima concernées. Un débat doit avoir lieu pour décider si d’autres infractions sont ajoutées. Le droit à la probité doit évoluer pour endiguer les réélections d’élus condamnés à des peines d’inéligibilité sitôt que leur peine a été exécutée. Dans ces situations, les électeurs eux-mêmes sont en conflit d’intérêts : on vote pour l’élu qui a accru les services au prix d’un lourd endettement de la commune et d’argent détourné, plutôt que pour celui qui va augmenter les impôts pour faire face à cet endettement. »
« Une proposition qui peut être contre-productive »
Benoît Le Dévédec, juriste, doctorant à l’université Paris Panthéon-Assas

Faudrait-il ajouter d’autres infractions ? Si oui, lesquelles ? Les crimes sans doute ! Dans ce cas, Yannick Jadot, condamné pour atteinte aux intérêts supérieurs de la Nation, n’aurait pas pu se présenter à la présidentielle. Faudrait-il aussi l’appliquer aux délits sexuels ? Aux violences sur les mineurs ? Aux violences conjugales ? Et où s’arrêter alors, et quid de la désobéissance civile ? La vraie question est de savoir s’il est souhaitable qu’une telle incompatibilité existe. Les élus doivent-ils être exemplaires ? Si une avocate, un médecin, une ouvrière, un paysan ou un homme de ménage peuvent être de bons élus, pourquoi pas un ancien condamné, voire un ancien prisonnier ? Il pourrait éclairer sur les conditions de détention et sur les besoins de la justice ! Surtout, la légitimité provient du vote, de rien d’autre.
Si les citoyens ont soif d’exemplarité et de probité, qu’ils votent en conséquence. Désormais, la diffusion de l’information est telle que les citoyens n’ont plus l’excuse de l’ignorance. De nombreux candidats n’ayant pas un casier judiciaire vierge sont élus malgré tout, ce n’est donc visiblement pas une revendication populaire. Aux journalistes d’informer, aux partis politiques d’investir des candidats dignes. Il ne revient pas à la loi de choisir à la place des citoyens, libres et éclairés. »
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