Vincent Béal, maître de conférences en sociologie à l’université de Strasbourg
Max Rousseau, chargé de recherche en sciences politiques au Cirad (1)
La prise en compte du phénomène des villes en déclin est entrée dans l’agenda politique. Vincent Béal et Max Rousseau, codirecteurs, avec Nicolas Cauchi-Duval, de l’ouvrage collectif « Déclin urbain. La France dans une perspective internationale » (éd. du Croquant, juin 2021), ont contribué à faire émerger cette thématique, que l’on retrouve dans de nombreux pays touchés avant l’Hexagone : Etats-Unis, Allemagne, Japon… En 2014, alors que le sujet était encore tabou dans les cénacles politico-administratifs, ils ont été lauréats de l’appel à projets de l’Agence nationale de la recherche sur les politiques urbaines alternatives pour les villes en déclin. Cet ouvrage est l’aboutissement de leur travail de recherche.
Si, dès la fin des années 60, les villes connaissant des trajectoires descendantes sont situées sur la diagonale du vide et dans les bassins miniers du Nord et de l’Est de la France, dans la dernière décennie, une nouvelle catégorie est apparue : les villes moyennes touchées par la restructuration des services publics. D’autres politiques qu’entrepreneuriales y sont-elles possibles ? C’est la question que posent les auteurs, en étudiant les actions menées en France, mais aussi aux Etats-Unis et en Allemagne. La crise sanitaire pourrait-elle apporter une nouvelle vie à ces territoires ? Max Rousseau et d’autres chercheurs travaillent pour le Réseau rural français et le Puca sur ce sujet, avec une intuition : ces mouvements de populations pourraient reproduire la géographie de l’attractivité existante…
Le thème des villes en déclin a mis du temps à être reconnu. La façon dont les politiques publiques s’en sont emparées vous semble- t-elle satisfaisante ?
Les municipalités concernées ont d’abord essayé de développer des outils, mais avec difficulté car l’Etat était myope vis-à-vis de cette problématique. Depuis 2017, Action cœur de ville, une politique publique nationale, cohérente, assez bien dotée, a été instaurée. Il faut lui laisser une chance d’être mise en œuvre, mais elle a plusieurs limites : elle concerne toutes les villes moyennes, Colmar (Haut-Rhin) comme Vitry-le-François (Marne), et pas uniquement celles qui en ont besoin. Cela pose un problème d’éparpillement des financements. Ensuite, c’est un programme dont l’objectif est la restauration de l’attractivité : on reste sur un logiciel qui est dominant depuis les années 80, et qui a montré ses limites, encore plus dans les territoires en difficulté.
Le troisième problème est le ciblage sur les centres-villes. Cela peut paraître logique, car c’est souvent dans les centralités que les problèmes se concentrent, mais, pour nous, c’est un diagnostic problématique parce que la réponse ne peut se faire qu’à une échelle plus large. S’il y a concentration de la pauvreté dans les centres urbains, c’est bien souvent car les communes périphériques ne veulent pas prendre leur part de logements sociaux.
Si on a des problèmes de commerces vacants dans les centres, c’est parce qu’on a fait
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