Carte militaire, réforme hospitalière, révision générale des politiques publiques… les quinze dernières années ont fortement modifié l’emploi public dans certains territoires, surtout quand la part de la fonction publique dans l’emploi total est importante. En France, on compte environ 7,7 fonctionnaires civils pour 100 habitants, ce que l’on appelle le taux d’administration. Mais ramené à la zone d’emploi, selon des chiffres que l’Insee nous a confiés, ce taux oscille de 3,9 fonctionnaires pour 100 habitants dans la zone d’emploi de Morteau (Doubs), à la frontière suisse, à 18 dans celle de Basse-Terre, en Guadeloupe.
Grâce aux emplois aidés, l’emploi public a souvent été vu comme un levier face au chômage, ainsi que le rappelait le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale en 2018. Le taux d’administration est plutôt haut en outre-mer, surtout dans les zones d’emploi des capitales régionales. Selon le rapport publié fin 2019 par Jean-René Cazeneuve, député (LREM) du Gers, et Georges Patient, sénateur (PS) de Guyane, la situation est liée à des « politiques incitatives à l’embauche, en particulier les contrats aidés », mais aussi à des « choix politiques locaux ». « Un certain nombre de maires auditionnés […] ont clairement fait état de la nécessité de mettre en œuvre une forme de traitement social du chômage dans un contexte de rareté de l’emploi », remarquent-ils.
Fonction sociale des collectivités
« Dans l’Hexagone, on a vu jusqu’à la fin des années 1990 des effets de substitution, c’est-à-dire des embauches dans les services municipaux là où il y avait eu des fermetures d’usine », indique le politologue Patrick Le Lidec. C’est ce que l’on appelle la fonction sociale des collectivités. « L’impact sur les taux d’imposition locaux a été la limite à ce type d’exercice. Ces pratiques ont aussi décliné avec le resserrement des marges de manœuvre budgétaires », note-t-il.
Néanmoins, en Corse, où l’économie productive est peu dynamique, le nombre de territoriaux par habitant se situe très au-dessus de la moyenne nationale (3,8 pour 100 habitants, contre 2,9). Une pratique moindre sur le continent. Les zones d’emploi les plus touchées par le chômage ont souvent un taux d’administration inférieur à la moyenne nationale, comme à Alès (Gard) ou à Agde-Pézenas (Hérault). En 2019, France Stratégie, dans une étude sur « la répartition territoriale des emplois publics », suggérait de s’appuyer sur le départ à la retraite et le déploiement de l’administration numérique pour rééquilibrer certaines inégalités dans la répartition des fonctionnaires de l’Etat localement. Une relocalisation des fonctionnaires notamment à l’œuvre à la direction générale des finances publiques (DGFIP), où 2 500 postes vont être créés dans 65 villes.
La relocalisation de la DGFIP dans les territoires abandonnés laisse songeur
Lancé fin 2019 comme une réponse au sentiment d’abandon des services publics exprimé durant le mouvement des « gilets jaunes », le NRP (pour nouveau réseau de proximité) de la DGFIP prévoit notamment le transfert de ses services d’Ile-de-France et des grandes métropoles. Et avec eux, 2 500 agents dès 2021 (sur les 6 000 que le gouvernement prévoit de « relocaliser »). A l’issue d’un appel à candidatures, 66 communes ont été sélectionnées. Parmi elles, Montbard, dont la zone d’emploi a perdu presque 14 % de ses emplois publics, tous versants confondus, depuis 2011, Pont- Audemer (environ – 9 %) et Amiens (- 7 %). Y figurent aussi les zones d’emploi de Nîmes, Châteaubriant ou Agen qui ont connu des hausses de 15 à 22 %. Des territoires aux profils variés en matière d’évolution des emplois dans chaque versant, mais qui ne sont pas les plus à plaindre concernant la présence des services publics. La modestie des effectifs relocalisés laisse songeurs syndicats et maires sur le bénéfice final d’un tel dispositif, au regard de décennies de déménagement du territoire.
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Gazette des Communes