Nul territoire, nul décideur ne peut ignorer les enjeux de l’urgence écologique et climatique. Pourtant, il subsiste une ligne de fracture en termes de prise de conscience. À grands traits, on observe d’un côté les « réellement conscients » de l’urgence à agir : ils alertent sans relâche sur la période critique dans laquelle nous nous trouvons et tolèrent mal les demi-mesures. L’importance et l’urgence de leurs combats légitiment à leurs yeux la mise en œuvre d’actions choc, quand bien même elles seraient menées en toute illégalité.
D’un autre côté se trouvent les « modérés », engagés dans un modèle de transition qui privilégie le consensus, quitte à ce que l’évolution vers des modèles plus écologiques soit lente, mais permette d’entraîner dans le mouvement général le plus grand nombre.
Les collectivités territoriales s’inscrivent clairement en tant qu’acteurs de transition et de transformation du monde actuel. Ainsi, les « réellement conscients » pensent-ils qu’elles ne prennent pas la réelle mesure des défis auxquels nous devons faire face. Pourtant, comment pourrait-il en être autrement ? Nos élus peuvent-ils se lancer dans des scénarios disruptifs en plaçant l’enjeu écologique au-dessus des autres ?
L’unique façon de procéder face à ces crises est de le faire collectivement
L’exemple de la construction de nouvelles lignes de métro du Grand Paris Express illustre à quel point il est complexe d’accomplir des oeuvres d’intérêt général. Ce projet de mobilité bas carbone est, dans son élaboration et sa mise en œuvre, résolument engagé vers un modèle répondant aux objectifs climatiques.
En favorisant une participation forte des citoyens, avec plus de 100 réunions publiques organisées chaque année sur l’ensemble du tracé et plus de 20.000 personnes qui ont visité les chantiers, il se veut transparent. Pour autant, il continue de susciter des hostilités fortes, parfois radicales.
Les finalités du projet justifient-elles certaines conséquences négatives qu’il engendrera : artificialisation des sols et destruction d’écosystèmes ? En fonction de notre « groupe » d’appartenance, la réponse sera plus ou moins simple.
En tant que hauts fonctionnaires, nous sommes convaincus que les réponses doivent forcément être le fruit d’un consensus social démocratiquement élaboré. Même si certains ne souhaitent pas d’une écologie qui « serre la main à tout le monde », notre conviction est que l’unique façon de procéder face à ces crises est de le faire collectivement.
Cette vision nécessite du temps de dialogue et de compréhension entre acteurs et surtout que chacun se prête sincèrement aux échanges, sans vouloir imposer de force sa vision du monde.
In fine, n’oublions pas qu’aux côtés de la légitimité scientifique et sociale des projets, il y a celle de nos élus ! Cette légitimité est aujourd’hui mise à mal en raison du faible taux de participation aux élections et par ceux qui considèrent la légitimité sociale, issue de processus de participation du public (et quel public ?), comme seule valable face à une décision de représentants démocratiquement élus.
Dans ce contexte, notre rôle est plus que jamais de conseiller et d’accompagner ces élus pour favoriser une prise de décision juste et équitable.
Au-delà de nos expertises scientifiques et techniques, nous devons promouvoir, imaginer et proposer des solutions innovantes pour aboutir, si possible, à un accord entre « conscients » et « modérés » en utilisant les outils d’intelligence collective et de négociation.
Nous avons tout intérêt à favoriser le dialogue pour parvenir à un accord entre ces différentes visions du monde, ne serait-ce que du fait de l’urgence à agir !