Emmanuel Macron n’a pas seulement un problème avec les élus locaux. Il en a aussi un avec les préfets. L’an dernier, en pleine pandémie, il a soumis les représentants de l’Etat à rude épreuve. La valse des préfets a touché près de la moitié des départements. Un turn-over qui s’est accompagné d’une gestion ultracentralisée de la crise sanitaire. A toutes les étapes ou presque, le couple maire-préfet a été mis sur la touche. Une fuite en avant qui ne s’est pas arrêtée là.
Cursus honorum
Le mois dernier, il a décrété, par la voix de son Premier ministre, que le corps préfectoral n’avait plus lieu d’être. Si la fonction de préfet est bien maintenue, la carrière est ouverte à tous les vents. Des managers qui vont d’un job à l’autre pourront ajouter une nouvelle ligne à leur CV. Le pouvoir politique aura les mains libres pour nommer une multitude de représentants de l’Etat en dehors des préfets de métier. Cette mission tout-terrain ne s’improvise pourtant pas. Elle est un sacerdoce qui passe par un cursus honorum exigeant, des sous-préfectures les plus reculées aux capitales de région.
Angle mort
Pour adapter les directives des bureaux parisiens aux réalités locales, il faut un maximum d’expérience et de doigté. S’il y a un expert de la différenciation territoriale, tant vantée par le pouvoir actuel, c’est bien le corps préfectoral. L’Association des maires de France ne s’y trompe pas, qui s’oppose vertement à sa disparition. Avec la révolution tranquille de la décentralisation, les élus locaux ont su trouver des alliés dans les représentants de l’Etat. Cette relation, si singulière, est le principal angle mort de la réforme.
A force de vouloir gérer la France comme une multinationale du CAC 40, Emmanuel Macron oublie la colonne vertébrale des pouvoirs publics. Une pente dangereuse alors que, comme l’a dit le président de la République lui-même à la revue « Zadig », « on revit des temps au fond très moyenâgeux : les grandes jacqueries, les grandes épidémies, les grandes peurs… ».
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