Les bruits d’atelier ont disparu. Les bleus de travail aussi, remplacés par des « cols blancs et des travailleurs de l’écran et du clic », illustre Pierre Veltz, ingénieur et sociologue (lire ci-dessous). Jadis centre de production matérielle, la ville est devenue un lieu de consommation et d’habitat. Au siècle dernier, les industries et leur étiquette polluante ont migré vers des zones dédiées, à l’écart de la densité. Plus récemment, ce fut au tour des activités artisanales de gagner la périphérie, rebutées le plus souvent par un coût du foncier galopant.
« Hormis le tertiaire supérieur, nous ne voyons quasiment plus d’activités en ville », note Bertrand Vallet, responsable de recherche au sein du Puca. Fin 2020, cette agence interministérielle a lancé un appel à projets de recherche (1) sur les conditions du retour ou du maintien d’activités de production dans le tissu urbain. Car « un virage semble amorcé. Nous commençons à percevoir les limites du discours sur la ville créative, avec le tertiaire comme seul salut », poursuit le responsable. Loin de caractériser un mouvement d’ampleur, « le maintien ou l’attraction des activités productives en ville constituent un enjeu pour l’action publique », pointe Flavie Ferchaud, maîtresse de conférences en urbanisme à l’université Gustave-Eiffel de Champs-sur-Marne. Les raisons relèvent d’abord de l’emploi local et de l’économie : la développer, mais aussi la diversifier pour muscler la ville face aux crises sectorielles. Sans compter que des travaux du Cerema (2) ont montré qu’« un emploi dans l’industrie peut en créer entre trois et dix dans celui des services ! » Il est aussi question de transition écologique, avec l’idée de produire et de consommer sur place.
Du fab lab à l’industrie moyenne
Pierre Veltz distingue, en outre, un enjeu social : « Nous évoluons vers la ville en sablier, composée des très riches d’un côté et des personnes à leur service de l’autre. Il s’agit de faire revenir les classes moyennes.» Et donc de concevoir la ville pour ses travailleurs et plus seulement pour ses habitants et ses visiteurs, acteurs et témoins d’une gentrification, voire d’une muséification des cœurs de ville.
« Il s’agit, enfin, de redonner une forme de diversité au tissu urbain », plaide-t-il. De quelles activités est-il question ? La notion de ville productive reste – curieusement – à cerner.
[70% reste à lire]
Article réservé aux abonnés
Gazette des Communes
Thèmes abordés