La Lettre du Cadre : Tout d’abord, la Cour a examiné le projet de réseau des INSET en septembre dernier, c’est-à-dire au moment où le CNFPT venait d’adopter le Projet national de développement (PND), qui comportait deux pages sur ce projet de réseau. Que lui répondez-vous ?
François Deluga : La Cour fonde donc son analyse sur le début d’une politique et prend des positions affirmées alors qu’elle n’en connaît pas le contenu.
Or il était très clair que ce n’était que le schéma général.
Depuis, nous avons pendant six mois travaillé les cadres des écoles, le personnel de l’établissement, les instances… pour élaborer un contenu solide et précis de ce projet de réseau, qui va être adopté dans le mois qui vient.
Les avis de la Cour sont des avis légers, qui ne portent pas sur la réalité du contenu des projets.
Sur beaucoup de sujets, la Cour porte des jugements d’opportunité politique, ce qui ne rentre pas dans le cadre de ses compétences. On reconnaît que j’ai lancé une modification importante de la gestion du CNFPT : j’ai été élu le 15 avril 2008. Huit mois après, j’avais fait adopter des mesures de rénovation de l’établissement. On ne peut pas me demander en septembre que tout soit en ordre de marche. La Cour a souhaité dire des choses sur le CNFPT qu’elle n’avait pas osé dire avant, mais elle les dit de façon très décalée avec la réalité.
La Cour critique l’aisance financière du CNFPT et propose la baisse de la cotisation du 1 %.
Le CNFPT est-il trop riche ?
La Cour se trompe complètement sur l’avenir et fait une analyse qui ne tient pas compte de ce qui s’est passé. Si pendant 3 ou 4 ans, il y a eu une certaine aisance financière, c’est simplement en raison de transferts importants de personnel de l’État vers les collectivités (près de 140.000 agents) et de l’augmentation mécanique de la masse salariale soumise à cotisation.
Dans le même temps, la réforme de 2007 a fait chuter l’activité des écoles. Il y a donc eu un effet de ciseau : 2008 a été une année d’augmentation des recettes et de baisse des dépenses. Mais à partir de 2009, il y a une montée en puissance du nombre de formations : + 14 % en 2009 et + 14 % en 20100. En parallèle, la réforme de la taxe professionnelle et le gel des dotations de l’État vont freiner la hausse de la masse salariale.
En 2008, le produit de la cotisation a augmenté de 6,8 %, en 2011, il augmentera de 1,5 % au mieux, en 2012, entre 0 et 1 %. En revanche, nous aurons une croissance de l’activité, due à la mise en œuvre effective de la loi de 2007, qui génère d’importantes dépenses nouvelles.
Il faut y ajouter le départ à la retraite de 20 % des effectifs de la FPT, pour la plupart des hauts salaires, qui seront remplacés par des salaires de début de carrière : il faut donc prévoir une baisse des cotisations et un important besoin de formation. J’ai fait faire des simulations : si la cotisation devait baisser, nous serons en déficit en 2013.
Mais il y a un autre aspect dans cette proposition : le 1 % concerne l’ensemble des salariés de notre pays, du privé comme du public. Si nous tombons à 0,9 %, cela veut-il dire que les salariés du public ont un droit inférieur à la formation ou que l’on va baisser celui du secteur privé ? Cette proposition participe de mon point de vue aux attaques contre la fonction publique.
Mais ce que propose la Cour, c’est de fixer le taux « en fonction de l’activité prévisionnelle de formation du Centre »…
Admettons que nous adoptions cette interprétation, ce qui n’est pas mon cas. Alors, je le dis clairement : en 2012, il faudra augmenter la cotisation. Car nous aurons une forte augmentation de la dépense. On me demande en effet de mettre en œuvre l’accessibilité totale de l’établissement (coût : 15 millions d’euros), de mettre en œuvre les recommandations du Grenelle II (15 autres millions), d’arriver à 6 % de personnels handicapés, de mettre en place le REP, la VAE, d’individualiser davantage les stages…
La Cour juge excessifs la proportion de cadres A (40 %) et le nombre d’emplois fonctionnels (37) dans les effectifs du CNFPT…
Il y a un désaccord juridique profond entre la Cour et le CNFPT. Les emplois fonctionnels relèvent en effet de la loi, qui nous indique que tous les directeurs régionaux doivent être sur emploi fonctionnel. Si la Cour considère que cela ne doit pas être le cas, qu’elle s’adresse au gouvernement pour qu’il change la loi. Mais moi, je suis obligé de l’appliquer.
Quant au nombre de cadre A, je rappelle que nous sommes dans un établissement qui fait de l’ingénierie de formation, qui a organisé 203.000 stages et formé 850.000 personnes en 2010. Croyez-vous qu’on peut organiser cela avec des agents de catégorie C ? On nous demande la sécurité juridique, une politique des achats de haut niveau, une comptabilité analytique plus précise… je suis d’accord avec toutes ces préconisations, mais il faut les moyens.
Je réfute donc ces critiques sur le pourcentage de cadres A. 25, 35 ou 40 % de cadres, ce n’est pas un objectif : ce que je veux, c’est avoir la bonne personne au bon endroit, pour être efficace. S’il faut augmenter le nombre de cadres A, on le fera, si on pense qu’il faut d’avantage de cadres B, on le fera aussi. Je n’ai pas une philosophie du pourcentage et de l’affichage, je veux l’efficacité de l’établissement.
Allez-vous réduire les effectifs du siège comme la Cour le demande ?
Dans ma réponse à la Cour, qui figure dans le rapport, je signale que nous avons aujourd’hui trois bâtiments pour le siège national, avec probablement des doublons. Nous allons regrouper tous ces services dans un seul siège, ce que la Cour demandait d’ailleurs dans son précédent rapport. Le siège unique va améliorer le fonctionnement de l’organisation, son efficacité et la fluidité des décisions et de leur mise en œuvre.
Par ailleurs le PND va également être mis en œuvre : j’ai ainsi fait voter, avant que la Cour ne le demande, la création d’une direction de l’évaluation, du suivi et d’appui aux délégations régionales. Il va falloir du personnel pour cela, même si cela ne signifie pas des recrutements nouveaux. Il en va de même pour le nouveau système d’information…
Quand la Cour dit qu’il y a trop d’agents au siège, elle l’affirme sans le démontrer. Moi, je n’affirme pas qu’il y en a trop ou pas assez, je considère que c’est pragmatiquement, en fonction des objectifs, qu’on doit déterminer les moyens. Ces moyens ne sont pas constants dans le temps. Certaines directions auront davantage de personnels, d’autres en auront moins, en fonction des besoins. Si on veut nous faire faire de la RGPP rampante, on ne l’obtiendra pas de moi.
La Cour souhaite que le CNFPT se dote d’un service d’audit interne, à même de contrôler davantage l’activité interne. Vous allez le faire ?
Ça a été voté le 15 septembre et j’ai commencé à le négocier en mars 2010 avec les organisations syndicales et les instances de l’établissement. Je n’ai donc pas attendu la Cour, sur ce point comme sur d’autres. C’est pour cela que je dis que cinq des six demandes de la Cour ne me posent pas de problèmes, même si je trouve le ton péremptoire.
On me demande d’améliorer la gestion comptable ? Je l’ai lancée dès mon arrivée. On me demande de créer un service d’audit ? C’est fait depuis le 15 septembre. On me demande de mieux piloter l’offre de formation ? Nous avons modifié la direction de l’information et adopté un référentiel de pilotage et une nouvelle méthode d’élaboration des programmes de formation, qui est en ce moment présentée dans les services. On me demande de travailler sur un nouveau système d’information qui supprime les tâches répétitives ? J’ai lancé un audit en octobre qui me sera remis lundi prochain (NDLR : l’interview a été réalisée le 21 février) et les sommes nécessaires à la création de ce nouveau système seront inscrites au prochain budget.
On me demande de travailler sur un plus grand renouvellement des intervenants ? J’ai lancé dès le mois de juillet un audit sur ce point et demandé à ce qu’on réalise un schéma des intervenants actuels et une évaluation de leur action. On me demande de supprimer les emplois des centres de gestion ? C’est fait depuis décembre 2009, etc.etc.
Le seul point qui me prose problème, c’est la baisse de la cotisation ; je considère que c’est une erreur complète d’analyse.
Les six recommandations de la Cour des comptes
La Cour formule les six recommandations suivantes (1) :
S’agissant de l’activité (n°1 et 2)
S’agissant de la gestion (n°3 à 5)
S’agissant du financement (n°6)
- Mieux adapter la production en :
- renforçant la collaboration avec les collectivités territoriales dans l’élaboration des plans de formation, l’accompagnement des projets et le suivi des stagiaires ;
- poursuivant les efforts en vue de réduire les refus de stage ;
- engageant une analyse et des actions pour diminuer significativement l’absentéisme des stagiaires ;
- évaluant systématiquement ex post les actions de formation
- Rénover l’offre de formation en :
- développant les actions de coopération avec les centres départementaux de gestion, les universités et les réseaux professionnels ;
- organisant de façon plus efficace la mise en place de la formation à distance.
- Perfectionner les outils de gestion en :
- mettant en place un service d’audit interne ;
- améliorant la gestion comptable,
- en disposant notamment de comptes séparés pour satisfaire aux conditions d’exercice et de facturation d’une activité concurrentielle ;
- développant l’usage des nouvelles techniques afin de gagner en efficience et de rendre pratiquement et économiquement soutenables les objectifs stratégiques de l’établissement.
- Mettre en œuvre une politique des ressources humaines en approfondissant la connaissance des emplois et des fonctions afin d’adapter les organisations internes et la répartition des moyens entre les implantations (services centraux, instituts, délégations et antennes).
- Maîtriser les dépenses en :
- développant une politique d’achat dans le domaine de la formation ;
- maîtrisant les frais de transport et de déplacement au regard d’exigences tant économiques qu’environnementales ;
- justifiant chaque investissement immobilier par une étude d’impact et d’opportunité préalable ; S’agissant du financement
- Réduire, fût-ce à titre temporaire, le plafond du taux de la cotisation versée par les collectivités locales au CNFPT.
Références
Thèmes abordés