Le numérique est une réalité. Certes, mais pas pour tous. Pourtant, les premiers concernés, notamment les administrations nationales et les prestataires privés utiles à la vie quotidienne (banque, assurance, santé…), font comme si cette réalité était universelle. Au risque d’exclure une frange importante de la population et de perdre sa confiance, tout en diminuant leur propre réputation. Face à ces réalités, que nous découvrons au gré de décisions unilatérales et sans accompagnement, se créent distances et incompréhension. Le pari de penser que, par nécessité, tout le monde va s’y mettre, reste une illusion.
Non préparée, la transition crée de l’exclusion
Il existe une autre réalité, tout aussi prégnante mais que la distance tend à réduire à la portion congrue : l’éloignement de nombre de nos concitoyens de l’usage d’outils, qui tend à vouloir remplacer le contact humain sans se soucier de cette « transition ». Cette notion, invoquée comme par essence positive, le plus souvent « inévitable », telle la marque du « sens de l’histoire », a des conséquences pour nous, élus : elle crée de l’exclusion en raison de son impréparation.
Notre responsabilité de représentants de ces citoyens démunis face à l’injonction du numérique est une chance. Le maire est plus républicain que la République. Ainsi se sent-il le devoir de ne pas laisser au bord du chemin celui qui s’en trouve exclu, parfois du fait l’Etat même. Citons la récente fermeture des préfectures à tout contact humain ou la suppression de la capacité des communes à délivrer les cartes d’identité. Les secrétaires de mairie se retrouvent en première ligne pour colmater ces brèches béantes. La situation impose deux démarches urgentes.
Les administrations de l’Etat avancent à l’aveugle
La première : demander à l’Etat de prendre conscience du risque qu’il prend à fabriquer de l’exclusion quand, dans l’inconscient collectif, son rôle est positif et protecteur. Or, ses administrations avancent à l’aveugle, imposent des choix via les vecteurs numériques pour la seule obsession de réduire les coûts et correspondre au modernisme ambiant.
Qu’importe si on découvre plus tard que cela crée des dégâts. L’Etat doit faire sa révolution à condition qu’elle soit précédée d’une action de sensibilisation et d’accompagnement.
Les secrétaires de mairie, médiateurs numériques
La seconde en découle. L’Etat a choisi de se priver de certaines capacités d’action, dont celle de prendre soin de nos concitoyens. Il faut que la mairie devienne le point d’entrée de l’ensemble des services publics. Elle est le seul vecteur accessible physiquement et doté de capacité d’intermédiaire numérique. C’est le sens de la proposition de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) de faire reconnaître aux secrétaires de mairie ce rôle de médiateurs numériques.
Tel est le pari que l’AMRF lance à tous les élus, mais aussi à l’Etat. Ce dernier doit revenir sur terre.
Des services deviennent accessibles en zone rurale
Les 0 et les 1 du codage informatique ne remplaceront jamais, et pour tout, les relations humaines. C’est vrai pour chaque individu, mais ça l’est encore plus de l’action publique. C’est une chance inouïe pour les communes de continuer de prouver leur utilité rénovée dans un « monde qui bouge » entre cette confiance inégalée en l’opinion et l’accessibilité à des solutions innovantes.
Soyons optimistes : grâce au numérique, des services jusque-là inaccessibles dans les territoires ruraux le deviennent. Sans que le service ne soit obligé d’être matériellement présent, fût-ce lors de permanences en mairie. Faisons confiance aux élus et parions de nouveau sur leur rôle plus discret que Facebook ou qu’un fil Twitter mais bien plus indispensable !
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