Connue pour ses études au vitriol, l’association anti-dépense publique Contribuables associés a publié le 9 janvier dernier un classement des dix ronds-points les plus laids sélectionnés par 12 538 internautes.
« Pour les Français, ils sont l’exemple type du gaspillage d’argent public. Nous avons donc souhaité les associer plus largement à notre travail et avons demandé aux internautes de nous envoyer leurs photos des ronds-points les plus moches », explique l’association classée très à droite de l’échiquier politique.
Un classement qui fait, certes, sourire mais qui a souvent fâché parmi les mairies concernées qui y voient, sous couvert d’un sondage drôle, une attaque en règle des deniers des collectivités. Preuve de cette contrariété, la plupart d’entre elles ont pour consigne de ne faire aucun commentaire.
Laid, oui, mais financé par le secteur privé
A Pontarlier (Doubs) qui a remporté la palme du rond-point le plus laid de France avec le masque d’André Malraux, le standard téléphonique répond ainsi « avoir des consignes très strictes pour ne pas se prononcer sur ce dossier ».
[Concours du pire #rondpoint] A Pontarlier, le masque d’André Malraux.
Créé en 1998 | Auteur : Bernard Paul | coût de la statue : 15 000€
↪ https://t.co/rhcAE9XZ9a pic.twitter.com/bYkLQdpcVF— Contribuables (@contribuables) 12 décembre 2017
Certaines ne cachent toutefois pas leur mécontentement à l’instar de Saint-Amand-les-Eaux (Nord) qui fait partie du top 10 des ronds-points les plus laids. « D’abord, le rond-point n’a pas coûté un centime aux citoyens. Il a entièrement été pris en charge par la société des eaux minérales », explique la commune. Une façon de se défendre alors que d’après Contribuables associés, la ville a refusé à plusieurs reprises de préciser son coût.
La fierté des habitants
« Saint-Amand-les-Eaux est connu pour ses sources minérales et thermales. Ce rond-point est donc surtout un symbole de ce qui fait vivre la commune. Et puis regardez les réactions sur les réseaux sociaux, vous verrez que les habitants sont fiers de cette œuvre d’art », ajoute-t-on à la ville.
En réponse au quotidien local La Voix du Nord qui demandait sur sa page Facebook l’avis des habitants, les Amandinois ont en effet répondu présents pour défendre « leur » rond-point.
Autant de réponses qui ont permis à nos confrères de dire que « Mais non, le rond-point de la bouteille n’est pas le pire de France » dans un article.
Quand la faute incombe au précédent maire
D’autres renvoient au choix, parfois hasardeux, de leur prédécesseur comme à Cugnaux (Haute-Garonne), qui arrive deuxième dans le classement. « C’est vrai que cette œuvre d’art peut être discutée. Elle a même fait jaser les habitants, mais la laideur est quand même une notion très subjective », répond Alain Chaléon, le maire.
« Cela a été fait sous la précédente mandature. C’était une façon de mettre à l’honneur le peintre Bernard Cadène, le créateur du rond-point qui vit à Cugnaux », explique-t-il.
Une façon de se faire connaître
Ce classement fait pourtant des heureux comme le maire de La Haye-Fouassière (Loire-Atlantique), Jean-Pierre Bouillant. « On est très satisfait qu’on parle autant de notre rond-point. Là, nous arrivons en huitième position dans le classement du rond-point le plus laid, mais il a également été cité parmi les plus beaux ou les plus originaux. » Pour preuve, le chanteur-compositeur Philippe Katerine y a même tourné un clip.
« Vous savez, quand on a décidé de faire ce rond-point, on a beaucoup réfléchi au sens qu’on voulait lui donner. Nous sommes certes dans le vignoble nantais mais nous n’avions pas envie d’un décor de pressoir à vin comme nos voisins », explique l’édile.
« Et puis c’est l’architecte de Lu, Jean-Claude Imbach [NDLR : la ville accueille l’une des plus grosses usines de production Lu de France], qui nous a donné l’idée de créer un rond-point qui évoquerait tous les emblèmes de la commune : notre pâtisserie locale, la fouace, une bouteille de muscadet et un Petit beurre. Et la présence des cosmonautes montre qu’on vient de tout l’univers pour découvrir nos spécialités », s’amuse l’élu.
« Le rond-point a été fait en 1993 et 25 ans plus tard, on en parle encore. Notre rond-point a dépassé toutes nos espérances », s’enthousiasme Jean-Pierre Bouillant. Quant à son prix, 400 000 euros, le maire assume.
« D’abord, c’est le prix de l’ensemble du rond-point, décor compris. Avec ou sans les cosmonautes et nos symboles régionaux, il fallait le faire. Lu a contribué à hauteur de 210 000 euros, le reste a été à la charge de la mairie. Ce rond-point a tellement bien contribué à notre rayonnement qu’il a nous a permis de baisser les impôts. Je n’ai donc aucun problème à avoir financé ce rond-point à l’époque. »
« Qu’on parle de vous, c’est affreux. Mais il y a une chose pire : c’est qu’on n’en parle pas », avait déjà constaté Oscar Wilde au XIXè siècle. Une pensée prolongée, plus cyniquement encore par Léon Zitrone : « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel, c’est qu’on parle de moi ! »
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