« Les invisibles doivent être visibles, y’en a marre ! », dénonce un tract diffusé lors du rassemblement pour lutter contre la précarité dans la fonction publique. Face à la Tour Eiffel, le 9 décembre, seule une petite centaine d’agents ont bravé le froid et la neige pour répondre à l’appel des trois syndicats, CGT, Solidaires et FSU, à l’origine du mouvement. Ils seraient pourtant près d’un million de précaires toutes fonctions publiques confondues, d’après les chiffres des syndicats.
« Invisibles «
Ce rendez-vous avait pour but d’attirer l’attention sur le sort de ces « invisibles » alors que les négociations officielles entre les syndicats et le secrétaire d’Etat à la Fonction publique, Georges Tron, doivent commencer début janvier 2011.
En réalité, depuis début novembre, ça parlemente déjà. Les syndicats ont déjà diffusé une plateforme de revendications communes :
- un plan de titularisation pour tous,
- une limitation et un encadrement drastique des conditions de recrutement des futurs agents non-titulaires,
- de réels moyens d’insertion et de qualification pour les emplois aidés – qui ne sont d’ailleurs pas pris en compte dans les estimations des effectifs des non-titulaires.
Elan de solidarité
« Il n’y aura pas de titularisation générale » a déjà partiellement répondu Georges Tron le 30 novembre sur France Info.
« Il compte un peu trop sur le fait que ce mouvement a du mal à fédérer du fait de la fragilité du statut des concernés », estime Franck Boyer, animateur du collectif des non-titulaires du conseil général de Seine-Saint-Denis.
« La précarité, ça insécurise. On a tendance à raser les murs pour voir son contrat renouvelé et on est aussi souvent seul et impuissant face à son employeur », regrette-t-il.
« Mais M. Tron sous-estime un phénomène : l’élan de solidarité des titulaires à l’égard des non-titulaires et celui de toute une société qui rejette toute forme de précarité », analyse le syndicaliste.
Des femmes, plutôt jeunes
Sur la place du Trocadéro, ces « invisibles » ont soudain un visage. Ce sont majoritairement des femmes (37%), plutôt jeunes.
Catherine Albert (CGT des fonctionnaires territoriaux de la Commune de Paris) raconte une assemblée générale qui a eu lieu à la ville de Paris, le matin même, et qui a réuni 300 personnes : cantinières, agents techniques des écoles (ATE), assistantes maternelles, agents des ménages, etc.
« Entre elles, elles s’appellent les ‘3 heures’, ‘les 6 heures’, les ’16 heures’, parce qu’elles ont des CDI à temps incomplets et que pour boucler les fins de mois, elles cumulent les heures et les employeurs avec, d’un côté la ville de Paris et de l’autre une mairie d’arrondissement », résume la syndicaliste.
Un peu plus tôt, spontanément, une enseignante d’arts appliqués prend le micro : elle raconte 9 ans de contrats successifs, l’incertitude, à chaque rentrée scolaire, sur le lieu d’affection, la difficulté, passé un certain âge, de s’atteler aux concours et « le véritable carnage que sera la réforme du lycée professionnel ».
Le maquis des contractuels
Un autre évoque la situation des enseignants du 2nd degré enchevêtrés dans « un maquis de contractuels, des rémunérations mensuelles nettes de 1 380 euros et des taux horaires de vacations qui n’ont pas été révisés depuis 20 ans ».
« Les employeurs détournent les textes car ils recourent aux vacations pour des besoins permanents », dénonce-t-il. Et de conclure : « ces pratiques sont illégales et le recours au CDI n’est pas la solution ».
Le prochain rendez-vous est fixé au 20 janvier 2011, date à laquelle le gouvernement doit formaliser ses propositions pour les négocier avec les syndicats.
D’ici là, pour peser plus lourd, CGT-FP, Solidaires-FP et la FSU appellent à un « élargissement de l’intersyndicale ».
Références
Tendance 2009 de l'emploi territorial, étude du CNFPT
Rapport annuel de la fonction publique, Vol1 (faits et chiffres) et Vol2 ( politique et pratiques)
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