Le projet de décret « Marchés publics » a quitté le Conseil d’État. La publication du texte au journal officiel devrait donc arriver d’ici les prochains jours.
Selon Jean Maïa, directeur des affaires juridiques de Bercy, qui est intervenu le 10 mars 2016 lors du « Forum des Acheteurs publics » organisé par la Gazette, « le futur décret ne sera pas radicalement différent de celui proposé lors de la consultation publique en novembre ». Et les acheteurs devraient donc pouvoir prendre connaissance du texte avant la date butoir du 1er avril 2016 que s’est fixée le gouvernement.
Un code juridique « épuré »
Selon le Directeur des affaires juridiques, le projet texte est significativement épuré par rapport au code des marchés publics de 2006. « Nous avons réduit le volume des dispositions législatives de 40% » s’est félicité Jean Maïa, tout en reconnaissant qu’un tel rapport d’ordre quantitatif n’est pas « toujours synonyme de simplicité en droit ».
Au-delà de l’objectif de simplification, le gouvernement affiche clairement sa volonté de renforcer la dimension stratégique des marchés publics. « Il s’agit d’utiliser cet ensemble, qui représente 15% du PIB national, pour venir en soutien aux politiques publiques sociales et d’innovation », a ajouté Jean Maïa.
Toutefois, l’échéance du 1er avril reste à relativiser, puisque le chantier de la réforme du code des marchés publics se poursuivra jusqu’en 2018 avec la dématérialisation totale des procédures : « la véritable échéance n’est pas 2016, c’est 2018 » a expliqué Philippe Vrignaud, adjoint au directeur de projet « Dites-le-nous une fois » relevant du Secrétariat général de la modernisation de l’action publique (SGMAP). Un véritable défi. Cet objectif semble irréalisable à l’heure actuelle. En effet, la part dématérialisée des marchés publics reste aujourd’hui minoritaire, puisque 15% des marchés seulement font l’objet d’une réponse électronique.
Jean Maïa s’est voulu toutefois rassurant sur le sujet de la réforme en général, expliquant qu’aucune simplification n’est, au début, facile à mettre en œuvre.« Le chantier de la codification se fera à droit constant », a martelé le directeur des services.
Un accueil en demi-teinte
Si l’effort de simplification est bien là, les intervenants à la journée ont toutefois émis quelques réserves. « Certes, le code lui-même n’existe plus, mais c’est purement linguistique. D’autres textes d’application devront être pris en compte » a remarqué Jérôme Michon, professeur en droit des marchés publics et privés à l’école spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l’industrie. Désormais, à la place des anciens textes, l’ordonnance et le décret qui lui est associé feront office de texte de référence pour l’acheteur.
« Il ne faut oublier que tout n’est pas dans le décret. L’acheteur va donc devoir jongler entre les deux textes », a prévenu Jérôme Michon. Un constat partagé par la secrétaire de l’association des acheteurs publics (AAP), Chantal Brunet. « On nous parle de simplification, mais dans les faits je vois plutôt de la complexification pour l’acheteur », a déploré cette dernière.
D’autres réformes à venir
« Je me représente bien ce que le changement peut avoir de décourageant », a admis Jean Maïa, tout en affirmant que « le chantier se poursuit ». Concernant la question du Dume (Document unique de marché européen), Bercy a annoncé la mise en place d’une réflexion sur la réalisation à moyen terme d’un « Dume MPisé », autrement dit « rapprocher Dume européen » et « marché public simplifié » (MPS) français. Ce dernier doit contribuer à favoriser le développement des candidatures par voie électronique pour les entreprises, tout en facilitant le travail des acheteurs. « On fait le choix que le Dume doit être accepté par les acheteurs, même si je ne pense pas que les entreprises vont tout de suite se précipiter dessus », a nuancé Jean Maïa.
Délit de favoritisme
Le sénateur du Tarn Philippe Bonnecarrère, président de la Mission commune d’information sénatoriale sur la commande publique, a annoncé réfléchir à un amendement pour diminuer le risque pénal, épée de Damoclès qui pèse sur l’acheteur public.
Un amendement serait ainsi présenté à l’occasion de l’examen du projet de loi de ratification de l’ordonnance Marchés publics du 23 juillet 2015 pour écarter l’élément non intentionnel dans la constitution du délit de favoritisme. Car le risque pénal bride l’acheteur dans ses choix, même si « le contentieux des marchés publics est largement surévalué », a voulu nuancer le sénateur.
La réforme qui s’annonce devrait de facto accorder plus de liberté à l’acheteur public. « Nous avons un droit des marchés publics considéré comme rigoriste, qui jusqu’à présent bride les initiatives des acheteurs » a déploré le sénateur du Tarn.
« Le moment est venu de faire confiance à l’acheteur et de le laisser négocier » a résumé Jean Maïa.
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