Les chiffres du défi sont éloquents : fusionner dix EPCI du Pays basque (deux communautés d’agglo et huit de communes), composés au total de 158 communes et regroupant 295 971 habitants. L’enjeu est de taille : le gouvernement ayant refusé la création d’une collectivité spécifique, à l’image de la Corse, le préfet Pierre-André Durand a proposé aux élus, dès l’été 2014, de saisir l’opportunité qu’allait constituer la loi « Notre » pour se doter enfin d’une organisation institutionnelle commune.
Avec les dimensions d’un département aux allures d’un talonneur de rugby, petit mais costaud, l’EPCI unique du Pays basque pourrait devenir le plus grand de France (en superficie). Lot de consolation ou véritable occasion d’acter un mariage et de renforcer des liens existant déjà dans les faits ? Les débats sont vifs et l’option préfectorale ne fait pas, loin s’en faut, l’unanimité.
Effervescence citoyenne
Après une dernière réunion de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), fin février, le préfet devrait acter le schéma dans les prochains jours. Les communes auront soixante-quinze jours pour se prononcer. « Le calendrier est très contraignant, je ne le nie pas. Cela a mis notre territoire dans la situation de se poser mille questions d’une complexité rare ! Mais nous ne découvrons pas le problème », assure le maire de Bayonne, Jean-René Etchegaray, contraint de démissionner de la présidence de l’agglomération Côte basque – Adour (lire l’encadré), mais toujours président du conseil des élus, qui joue un rôle clé dans cette fusion hors norme.
En effet, cela fait vingt-cinq ans que les élus basques et la société civile échangent au sein de Lurraldea, un conseil de développement doublé d’un conseil des élus, assez unique en France. Après une première phase d’études, cette instance a conclu la faisabilité d’une interco à l’échelle de l’ensemble du territoire sous réserve de trouver des solutions pour la gouvernance.
Dès l’été 2015, les présidents des dix intercos se sont associés au comité de pilotage. Huit groupes de travail planchent, sous forme d’ateliers, sur la gouvernance, la fiscalité et les finances, et six thématiques de compétences (économie, aménagement, mobilité, environnement, culture et linguistique, services à la population). Depuis octobre, une dizaine de réunions ont rassemblé plus d’un millier de participants, un tiers des conseillers municipaux du territoire.
On rebat les cartes
« Le ressort principal n’est pas identitaire, assure Jean-René Etchegaray, la nécessité de regrouper un maximum d’intercommunalités est dictée par ce big bang territorial et par les textes promulgués depuis 2010. Aujourd’hui, dans la grande région, nous devons peser, et nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux. Cette réforme rebat les cartes. Le département – ce n’est pas un sujet secondaire – a perdu la clause générale de compétences. »
D’ailleurs, les opposants au projet sont d’accord sur ce point : « Nous sommes favorables à une construction ambitieuse et progressive du Pays basque, assure Claude Olive, maire d’Anglet. Nous ne voulons pas de cette marche forcée qui pose des problèmes de temps, de gouvernance et de fiscalité. » Jean-René Etchegaray et Claude Olive en conviennent, l’élection au suffrage universel des présidents d’interco aurait évité ces querelles.
Partisans d’un pôle métropolitain assoupli, les opposants à l’EPCI unique proposent une refonte a minima de la carte intercommunale. Mais ils ont préféré ne pas présenter d’amendement au schéma car le préfet Pierre-André Durand, ancien sous-préfet de Bayonne, qui avait promis de ne pas se servir du « passer outre », a déjà écarté d’accepter un tel statu quo. Comme dans une série à suspens, chaque délibération municipale sera scrutée et comptabilisée. On découvrira le résultat dans deux mois et demi.
Le président de l’agglomération de Bayonne démissionne
« Séisme au Pays basque » : pour la presse locale, la démission du président de l’agglomération Côte basque – Adour (5 communes, 123 000 hab.) et maire (UDI) de Bayonne, Jean-René Etchegaray, a eu l’effet d’une bombe. Politiquement, la situation était intenable. Certes, les premiers avis des communes sur le schéma étaient favorables : 112 des 158 communes, représentant 66 % de la population, ont voté pour et 46 %, contre. Mais, parmi les opposants, quatre maires des cinq communes de sa communauté : ceux de Biarritz, Anglet, Bidart et Boucau avaient mis le maire de Bayonne en minorité, en novembre. « Soucieux de ne pas créer le moindre risque de conflit d’intérêts », ce dernier a démissionné.
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