Le président (LR) du conseil départemental des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti, l’affirme : ses services sont saturés par l’arrivée massive de mineurs isolés étrangers en provenance d’Italie. Au titre de la protection de l’enfance, la collectivité est tenue d’accueillir les migrants qui seraient déclarés mineurs.
Le département des Alpes-Maritimes déclare avoir intégré, depuis janvier, environ 170 jeunes, avec un pic à la mi-juin, soit autant que pour toute l’année 2014. Ainsi, le 7 juillet dernier, le département réquisitionnait à Menton, « dans l’urgence », un internat, pour disposer de nouvelles places. A l’occasion de l’ouverture de ce foyer improvisé, Éric Ciotti a dénoncé « l’immobilisme de l’Etat », dans sa gestion des flux migratoires.
Partenariat local
De son côté, la préfecture des Alpes-Maritimes souligne que ses services et le département « travaillent en partenariat pour répondre à cette situation ». François-Xavier Lauch, sous-préfet, directeur de cabinet du préfet des Alpes-Maritimes, précise que la préfecture « a récemment financé » l’ouverture d’une structure d’accueil complémentaire.
Christophe Daadouch, juriste et militant du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), remarque que les Alpes-Maritimes peuvent « faire appel à la solidarité des autres départements », telle qu’elle est prévue par la circulaire Taubira qui encadre la répartition territoriale des MIE, et note que « le projet des jeunes migrants n’est probablement pas de s’installer dans la région, plutôt de la traverser pour gagner le nord de la France ».
Des tests osseux dissuasifs
Éric Ciotti réclame l’instauration de tests osseux à la frontière avec l’Italie dans l’objectif de dissuader des jeunes majeurs qui se feraient passer pour mineurs et les filières de passeurs qui séparent les enfants de leur famille. S’il est avéré qu’un mineur n’est pas isolé et que ses proches sont en zone d’attente en Italie, il est remis aux autorités italiennes.
François-Xavier Lauch confirme que cette solution est « à l’étude depuis plusieurs semaines » mais « nécessite la coopération des autorités italiennes ».
La préfecture associerait l’ARS Provence-Alpes-Côte d’Azur pour disposer de professionnels de santé formés à l’évaluation de la minorité. Si la pratique du test osseux, soit une radiographie du poignet, est prévue par la loi, sa validité est très contestée, notamment en raison d’une forte marge d’erreur de plus ou moins dix-huit mois.
Dans un avis de juin 2014, la commission nationale consultative des droits de l’homme demandait la proscription de tout examen corporel à l’égard des jeunes étrangers. La proposition de loi Meunier-Dini pour renforcer la protection de l’enfant, qui doit revenir en seconde lecture au Sénat à la rentrée, limite mais maintient la possibilité de cette pratique.
Habituellement, la minorité du jeune est établie par les services départementaux, lors de la période d’évaluation de cinq jours (financée par l’Etat), sur la base d’un entretien. En cas de doute, le département saisit le parquet pour un examen plus approfondi des papiers d’identité et la réalisation du test osseux.
« Le droit est très éloigné des pratiques », estime Christophe Daadouch, « les jeunes se déplacent généralement avec des papiers, qui, selon l’article 47 du code civil, font foi. Le test osseux ne devrait être qu’un élément parmi d’autres et certainement pas une preuve irréfutable ».
Qualité d’accueil en cause
Un mineur qui aurait été rejeté par un département a, lui aussi, la possibilité de saisir un juge des enfants pour établir la preuve de sa minorité. « Peu entament cette démarche en raison de leur situation extrêmement précaire de migrant isolé », explique Christophe Daadouch, « au Gisti, nous essayons de les accompagner. Nous estimons que s’ils faisaient appel de la décision du département, beaucoup seraient reconnus dans leur droit ».
Et le juriste va beaucoup plus loin dans sa critique de l’accueil des département : « il est impossible de savoir combien de jeunes migrants isolés arrivent en France et pourraient donc prétendre à une prise en charge. Beaucoup sont recalés par les départements, à l’occasion de la période d’évaluation, sans que l’on puisse évaluer la qualité de ce travail d’évaluation. Ces mineurs disparaissent dans la nature ».
En septembre 2014, le défenseur des Droits, Jacques Toubon, s’alarmait, dans une décision, du traitement réservé aux jeunes pris en charge à Paris. Selon ses investigations, 50 % des demandeurs ne sont pas reconnus comme mineurs ou isolés. Actuellement, environ 8 000 étrangers isolés sont pris en charge par les départements.
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