Le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires fait œuvre de moralisation préventive lorsqu’il veut donner force de loi à des vertus qui ont pour nom impartialité, probité, intégrité et dignité, et dont le respect relève de l’évidence pour la grande majorité des fonctionnaires, d’autant plus qu’elles apparaissent déjà, au moins implicitement, dans les dispositions de la loi du 13 juillet 1983, commune aux trois fonctions publiques.
Quant à la neutralité, elle se dédouble d’une laïcité plutôt offensive. Enfin, nul ne pourra désormais accéder à la fonction publique s’il ne s’engage préalablement à respecter ces principes et obligations ; un engagement qui reste à formaliser par décret mais dont on n’ose imaginer qu’il puisse s’apparenter à un serment. En matière de conflit d’intérêts, le texte n’hésite pas à couvrir, donc à encourager, le fonctionnaire qui signale un manquement à la règle. De quoi ouvrir la voie à cette petite délation ordinaire, génératrice de conflits et de procès.
Dans le même ordre d’idées, la loi du 31 mars 2015 facilitant l’exercice par les élus locaux de leur mandat inscrit au code général des collectivités territoriales une charte de l’élu local, exhorté à exercer ses fonctions avec « dignité, probité et intégrité », à se défier de tout conflit d’intérêts et à s’abstenir de toute tentation de corruption active ou passive.
Curieuse inversion de procédure – Les deux textes paraîtront inutiles et vains tant aux fonctionnaires territoriaux qu’aux élus locaux qui n’ont pas perdu le sens de l’intérêt général et verront là une curieuse inversion de procédure, le vice étant probable et la vertu incertaine. Les premiers seront deux fois tenus : par les obligations bien suffisantes de leur statut et par des dispositions supplémentaires plus explicites. Les seconds seront soumis à une charte qui fera l’objet d’une lecture solennelle lors de la première réunion de chaque assemblée nouvellement élue ou reconduite.
Quant au citoyen, il sera conforté dans son appréhension : s’il faut tant de contraintes, c’est que les choses vont plutôt mal pour les élus locaux et leurs fonctionnaires, tous présumés coupables. Les bons sentiments ne font pas toujours de bonnes lois, encore moins lorsque les effets pervers ne sont pas maîtrisés ou le sont mal.
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