La fonction publique fait-elle rêver les générations Y et Z ? Ces moins de 30 ans que l’on dit hyperconnectés, impatients et décomplexés aspirent-ils – malgré leur singularité – à intégrer une collectivité locale ? Oui, si l’on s’en réfère à une enquête de 2012 (1) qui montrait que 73% des jeunes âgés de 15 à 30 ans se disent intéressés par une carrière dans la fonction publique.
Mais cette étude montrait toutefois que cette écrasante majorité – qui conserve une image plutôt négative de l’administration toujours taxée d’être empesée, sclérosée et hostile aux changements – est surtout portée par l’attrait de la sécurité de l’emploi.
Intégrer une organisation éthiquement engagée
Cette seule recherche de sécurité ne devrait pourtant pas être l’unique moteur guidant le parcours professionnel des jeunes. Des centaines de métiers extrêmement diversifiés au sein de collectivités non moins variées peuvent en effet répondre aux aspirations et ambitions spécifiques de ces deux générations.
Car que veulent-ils exactement ? Trouver un emploi pourvoyeur d’épanouissement individuel et collectif, intégrer une organisation éthiquement engagée, où ils peuvent mettre à profit leur débrouillardise et leur créativité et qui réponde à leurs besoins de mobilité.
« Pour ces profils, la fonction publique territoriale est ainsi très attractive ! assure Valérie Chatel, DGA ressources à la région Rhône-Alpes et présidente de l’Association des DRH des grandes collectivités. On y trouve une réelle variété de métiers, ainsi que des projets collectifs passionnants dont on voit réellement les résultats. Car ce qu’apprécient particulièrement ces jeunes générations, c’est de voir les effets concrets de leurs actions ».
Cette fameuse quête de sens qui caractérise si fortement les Y et Z s’accorde en effet parfaitement avec ce qui est l’essence même des métiers de la fonction publique : la contribution au développement de l’intérêt général. « Globalement, les collectivités locales répondent aux questions de sens qui les motivent si fortement », confirme Marie-Claude Sivagnanam, Directrice générale des Services à la Ville de Cergy.
Si la fonction publique territoriale peut répondre aux valeurs si chères aux générations Y et Z, sont-elles pour autant toutes capables d’intégrer ces esprits libres ? « A mon sens, il n’y a pas une organisation qui réponde plus aux exigences des jeunes qu’une autre, indique Marie-Claude Sivagnanam. Je pense que toutes les structures publiques peuvent répondre aux aspirations spécifiques des Y et Z ».
Travail d’humilité, fruit d’un travail d’équipe
Valérie Chatel s’inscrit elle aussi dans cette ligne : « aux jeunes, je conseille de ne pas se restreindre et de s’engager dans tout type de collectivité locale. S’ils intègrent une commune, ce qui sera intéressant pour eux c’est la notion de réseau de proximité et de travail de terrain. On retrouve ces mêmes notions dans un Département où l’on est là aussi dans le concret. Dans une communauté urbaine ou une région, on sera plus tourné vers des projets avec de l’ambition, de la complexité, du lien avec les entreprises… Tout cela n’est finalement qu’une question de goût. Chaque niveau de collectivité a son intérêt et peut répondre aux aspirations des plus jeunes ».
Mais là où le bât blesse, selon Valérie Chatel, c’est peut-être le peu d’espace de reconnaissance individuelle laissé dans les collectivités et qui risque de frustrer ces générations soucieuses de percevoir de la gratitude. « Il ne faut pas oublier que le travail dans un service public est un travail d’humilité car il est le fruit d’un travail d’équipe ». D’autant que le mérite n’est pas synonyme de promotion ou de gratification dans la fonction publique, contrairement au secteur privé.
Récompenser le mérite individuel
L’étude de 2012 sur la vision des jeunes vis-à-vis de la fonction publique pointait d’ailleurs cette pierre d’achoppement : ils étaient 44 % à estimer qu’il faudrait développer la rémunération au mérite, y voyant d’ailleurs une évolution prioritaire pour rendre la fonction publique plus efficace. Mais si l’ancienneté a longtemps été la seule manière d’avancer dans l’administration, il faut rappeler que la prime de fonctions et de résultats (dite PFR) instaurée en 2009 permet de valoriser l’implication dans le travail.
« Certes, on ne peut pas vraiment parler de reconnaissance « monétaire », mais il existe d’autres leviers pour répondre au souhait de reconnaissance particulièrement marqué chez les plus jeunes, souligne Marie-Claude Sivagnanam. Cela peut porter sur les missions qu’on leur confie, sur l’autonomie qui leur est laissée pour gérer ou présenter un dossier… »
Système de carrière dynamique dans la fonction publique territoriale
Pour Valérie Chatel, la fonction publique territoriale présente un autre atout majeur répondant aux attentes des jeunes générations : son système de gestion de carrière qu’elle juge nettement moins sclérosant que celui de la fonction publique d’Etat.
« Si l’on n’est pas heureux dans son poste, on a la possibilité de choisir sa mobilité, de changer de collectivité… D’ailleurs, j’observe que les jeunes restent en moyenne trois ans sur leur poste. Dans la fonction publique territoriale, nous avons une autonomie de gestion de notre carrière qui est plus grande ».
Sans compter la possibilité d’intégrer les collectivités via un statut de contractuel : ce statut, qui concerne actuellement plus de 20 % des effectifs de la fonction publique, peut répondre aux désirs de ces générations largement adeptes du zapping et réfractaires à l’immobilisme.
Dès lors, entre variété des métiers, sens tiré de la recherche de l’intérêt collectif, mobilité possible, intégration non obligatoirement inscrite dans un processus de concours… la fonction publique territoriale offre de sérieux arguments pour séduire ces fameux Y et Z.
Deux générations finalement peut-être pas aussi singulières qu’on veut bien le croire : leurs préoccupations et leurs attentes ne seraient-elles pas simplement le résultat des immuables caractéristiques de la jeunesse ?
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