C’est un nouvel épisode dans le feuilleton à rebondissement sur l’avenir de la liaison transmanche Dieppe/New Heaven. La chambre régionale des comptes de Normandie vient de rendre son rapport sur le syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche (SMPAT), de fait une émanation du département de Seine-Maritime. Selon les magistrats, la collectivité assurait « 97,5% du financement statutaire total et 98 % des investissements en 2013 ». Depuis sa création en 2000, le syndicat mixte a toujours été dirigé par le président du conseil général. Ce rapport, portant sur la période 2008/2013 intervient au moment même où l’avenir de cette liaison maritime s’écrit en pointillés.
La délégation de service public pour l’exploitation de la ligne devait arriver à échéance à la fin 2014. Assurée par la compagnie danoise DFDS Seaways, elle a finalement été prorogée d’un an pour cause d’appel d’offres infructueux. En attendant, le syndicat mixte se cherche un nouveau modèle économique. Le rapport de la CRC témoigne de l’impasse financière dans laquelle il se trouve aujourd’hui et par ricochet le département de Seine-Maritime. « Les situations budgétaires et financières sont difficiles», rapporte aujourd’hui les magistrats. En 2013, le SMPAT était endetté à hauteur de 95,4 millions d’euros. Un poids supplémentaire pour une collectivité départementale déjà en délicate posture. La Seine-Maritime se classe en effet deuxième département le plus endetté de France. Au-delà de la dette principale du syndicat, certains mécanismes financiers spéculatifs, liés à l’achat à crédit de deux bateaux, font courir « d’autres risques futurs non maîtrisés et illimités », prévient le rapport de la CRC.
Hormis l’endettement, c’est le déficit structurel de la ligne Dieppe New Heaven qui grève les comptes du syndicat donc ceux du département. Celui-ci se trouve contraint de verser au délégataire une compensation de service public, à hauteur de 15 à 20 millions d’euros chaque année. « La dégradation tendancielle des résultats s’est poursuivie », notent les magistrats. Sur la gestion interne du syndicat, la chambre régionale n’est pas plus tendre :
La fiabilité des comptes est largement perfectible, l’image de la situation patrimoniale est altérée par des inexactitudes et l’inapplication de certains principes comptables fondamentaux.
Autre source de reproches ? Les conditions d’exécution de la DSP. « L’équilibre du contrat s’est progressivement déplacé au détriment du SMPAT et au bénéfice du délégataire », regrettent les magistrats. La compensation de service public versée chaque année se trouve en constante augmentation sur la période étudiée.
Plus globalement, les magistrats remarquent que le syndicat n’a jamais été en mesure de contrôler avec précision le délégataire quant à ses obligations contractuelles. « Celles de service public n’ont pas toujours été scrupuleusement respectées sans qu’aucune pénalité n’ait été appliquée », peut-on lire dans le rapport. « L’examen des comptes de la DSP a montré des insuffisances importantes », concluent-ils.
Autant de remarques qui tombent à pic et pourraient éclairer les membres du SMPAT. Ils réfléchissent en effet en ce moment à une solution garantissant la poursuite de l’exploitation de la ligne. Il s’agit de choisir un mode de gestion : soit la reconduction d’une DSP, soit le passage en régie. Il s’agit également de solliciter d’autres collectivités locales. Pascal Martin (UDI), récemment élu président du conseil départemental, plaide, entre autres, pour un soutien plus marqué du conseil régional de Haute-Normandie. La communauté d’agglomération Dieppe Maritime devrait aussi être sollicitée. Les premières décisions sont attendues avant l’été.
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