Au premier abord, pour l’internaute lambda venu s’aventurer sur la plate-forme Contribuez à l’ambition numérique de la France », les thématiques proposées avaient des airs de sujets de dissertation pour le bac philo. Par quel thème allait-il être inspiré ? “Croissance, innovation, disruption” ? “Loyauté dans l’environnement numérique” ? “Transformation numérique de l’action publique” ? Ou encore “la société face à la métamorphose numérique” ? Ces intitulés n’ont pas rebuté un énigmatique Superchaton, arrivé en tête des contributeurs individuels les plus actifs à cette consultation lancée le 4 octobre 2014 par le Conseil national du numérique (CNNum), close le 15 février 2015.
Ce sympathique alias ne reflète pas le sérieux de sa participation ni celle des 2500 utilisateurs -comptes individuels ou partagés par plusieurs contributeurs d’une même administration ou d’une même entreprise- enregistrés sur la plate-forme mise en œuvre par l’association Démocratie Ouverte, partenaire de l’opération. Un sérieux bienvenu puisque l’analyse de ces contributions servira à élaborer une liste de recommandations, remises au début de ce mois d’avrill au gouvernement. Celles-ci alimenteront sa réflexion pour la préparation de la loi numérique qui devrait être présentée à l’automne 2015 au Parlement, mais aussi sur d’autres dossiers d’experts comme la négociation du volet numérique du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP).
Ateliers contributifs « auto-organisés »
2500 inscrits pour aider le gouvernement à définir une stratégie numérique qui aura un impact sur la vie quotidienne de tous les citoyens, cela peut sembler maigre. En réalité, cette consultation s’est transformée en rapport participatif sur le numérique. En effet, officiellement elle a recueilli 17 678 contributions. En y regardant de plus près ce chiffre se décompose ainsi : 1435 propositions, 1973 arguments, 494 sources, 13 759 votes. Plus de 1 000 personnes se sont mobilisées lors des journées contributives.
Des ateliers contributifs ont été “auto-organisés”, notamment en Bretagne par la ville de Brest, Brest Métropole Océane et Mégalis Bretagne. Pour compléter ce dispositif, quatre journées contributives ont été organisées à Bordeaux, Nantes, Strasbourg et Lille, chacune sur l’un des quatre thèmes de la consultation. En parallèle, 70 associations ont téléchargé sur le site un kit “do it yourself” pour organiser des réunions citoyennes.
La publicité de cette consultation a été relayée auprès d’un cercle restreint par les profils Twitter et Facebook du CNNum comptant respectivement 20 904 et 2230 abonnés. Par ailleurs, 5 000 personnes se sont inscrites aux newsletters éditées tout au long de la consultation.
Qualité ou quantité
“Nous sommes satisfaits de cette participation car notre objectif était de mobiliser l’écosystème du numérique. C’était une consultation très technique, elle n’était pas destinée au grand public, explique Yann Bonnet, rapporteur général au CNNum. L’idée était de partager un diagnostic et de recueillir les arguments d’un maximum de personnes qui avait intérêt à contribuer. Maintenant la balle est dans notre camps pour élaborer des recommandations”.
Les 26 synthèses réalisées et soumises aux commentaires courant février vont aider à formuler 150 pages de recommandations, soit un rapport de 1000 pages, annexes comprises. “Le challenge qualitatif est réussi, la philosophie de la plate-forme est la résolution collective d’un projet, commente Cyril Lage, co-fondateur de Démocratie ouverte et Président de Smart-Gov. Soit l’on produit de la qualité, soit l’on produit du volume, ce n’est pas la même finalité. Tous les intervenants ont été traités au même niveau, du citoyen à la start-up, aux lobbyistes habituels qui ont joué le jeu de la mise en ligne de leur position. C’est une première étape positive pour la participation citoyenne à l’action publique ». Notons que la commission numérique du Medef, le groupe Orange ou encore Google font partie des contributeurs les plus prolixes.
Sept contributions côté acteurs publics territoriaux
Si la mamie du Cantal chère à Stéphane Richard, le PDG d’Orange n’était donc pas concernée par cette consultation, en revanche l’Association des maires ruraux de France a répondu à l’appel, en axant sa contribution sur l’e-inclusion des territoires ruraux dans la thématique “La société face à la métamorphose numérique”. John Billard, le vice-président de l’AMRF, est d’ailleurs membre de la session élargie du CNNum, au titre des collectivités territoriales.
Les six autres représentants de collectivités – les métropoles de Brest et de Bordeaux, l’APVF, le conseil général de Loire-Atlantique, la FNCCR, le député-maire de Bar-le-Duc – se sont principalement exprimés sur la thématique « La transformation numérique de l’action publique » et particulièrement aux chapitres “open data”, “open gov” et “stratégie technologique de l’Etat et services publics”. Une maigre participation prévisible.
Les Brestois fortement impliqués
La palme des contributions territoriales revient aux Brestois. La ville de Brest a décliné la problématique de la place du citoyen dans une administration numérique, de son accès aux publics non-internautes, mais aussi son éducation dès l’école au code informatique Mais, la ville a aussi apporté son point de vue sur la thématique de la Négociations commerciales européennes notamment sur la neutralité des réseaux. Rajoutons Michel Briand, membre du CNNum, car s’il n’est plus élu, il connaît très bien les collectivités et le numérique, pour avoir été élu à Brest de 1995 à 2014 en charge d’internet et du multimédia, et à Brest Métropole Océane en charge de l’Economie sociale et solidaire et de l’aménagement numérique du territoire.
Bordeaux Métropole a apporté son regard dans les 4 thèmes, avec un focus particulier sur la sécurité des systèmes d’information. “L’atelier contributif de la journée du 19 janvier 2015 à Bordeaux a permis d’aborder les enjeux de gouvernance (territoriale, technique), peu présent sur la plateforme”, précise Yann Bonnet. .
Le département des archives du conseil général de Loire-Atlantique a donné son avis sur la pérennisation de la donnée numérique et l’ouverture des données publiques
L’APVF s’est exprimée en particulier sur les chantiers de l’e-administration et de l’open data.
La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), sur la lancée du rapport Les Réseaux et territoires intelligents, a apporté sa pierre à l’édifice au chapitre Numérique et gouvernance territoriale.
Bertrand Pancher député de la Meuse, maire de Bar-le-Duc, président de la communauté d’agglomération Bar-le-Duc Sud Meuse s’y est aussi mis sur les quatre thèmes de la consultation avec des propositions pour faire évoluer le cadre législatif de l’ouverture des données publiques.
Dans l’ensemble, les membres du CNNUm étaient eux-mêmes parmi les plus gros contributeurs ainsi que plusieurs services de l’Etat. Les préconisations qu’ils avaient déjà émises dans de précédents rapport sont venues enrichir les thèmes de l’e-inclusion et de la transformation de l’école . Enfin, le rapport de la Mission Lemoine sur la transformation numérique de l’économie française ou encore le rapport sur le service universel commandés par le ministère de l’Economie et du Numérique ont eux aussi été réinvestis dans cette consultation.