Le porte-parole du gouvernement et ministre de l’Education, Luc Chatel, a annoncé le 13 janvier 2010 qu’il n’était pas question d’accorder le droit de vote aux étrangers pour les élections locales après que le PS eut proposé le 12 janvier une loi en ce sens.
Nous considérons que ce droit de vote est étroitement lié à la citoyenneté, a justifié le porte-parole du gouvernement. Interrogé sur cette position, qui figurait déjà en 1981 dans le programme du président socialiste François Mitterrand, M. Chatel a affirmé que la ficelle est un peu grosse.
Mme Aubry, elle veut se tourner vers l’avenir mais elle a une fâcheuse tendance à regarder dans le rétroviseur. C’est les bonnes vieilles méthodes de Mitterrand: dès qu’on approche d’une élection, eh bien on essaie de faire surgir ce chiffon rouge, a-t-il ironisé.
Une course électorale fustigée par le porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre pour qui le Parti socialiste, est dans une course avec les Verts et l’extrême gauche, car c’est à celui qui séduira les électeurs les plus à gauche. Le PS participe finalement au débat sur l’identité nationale, avec une double contribution très claire, portée par la première secrétaire du PS, Martine Aubry : la régularisation massive des étrangers entrant illégalement en France, et le droit de vote aux étrangers.
Dans la majorité présidentielle, que l’on soit favorable ou non sur le fond au vote des étrangers, nous sommes bien décidés à respecter les Français qui, de manière claire, ne veulent pas en entendre parler aujourd’hui, écrit le porte-parole Frédéric Lefebvre dans un communiqué.
Identité nationale
Un argument repris par le ministre du budget Eric Woerth sur LCI : Moi je ne suis pas favorable à cela parce que la population française n’y est pas favorable.
Il peut y avoir débat, il y a toujours débat et c’est bien naturel, a poursuivi le ministre qui est également trésorier du parti présidentiel. […] Je ne suis pas favorable à cela, l’UMP n’est pas favorable à cela non plus, a-t-il insisté.
Il n’a toutefois pas condamné le fait que le ministre chargé de l’Immigration Eric Besson, un transfuge socialiste devenu secrétaire général adjoint de l’UMP, se soit déclaré en faveur de ce droit dans un livre.
« Les étrangers cotisent » eux aussi
Un sentiment de rejet pas du tout partagé par l’association France Terre d’Asile (FTA), pour qui les Français sont « prêts » à accepter le droit de vote des étrangers aux élections locales.
Le sentiment de discrimination que ressentent ces personnes va croissant, et surtout, notre société est prête à accepter cette ouverture du droit de vote aux ‘autres’, comme elle l’a fait pour les citoyens européens, affirme FTA dans un communiqué. Après avoir estimé que le concept de citoyenneté invoqué par la majorité pour s’opposer à ce droit « évolue », FTA soutient que le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales est un élément de l’évolution de ce concept.
Il est temps de passer à l’action, pas pour l’année 2010, mais pour aujourd’hui, pour le bien du vivre ensemble, préconise l’association. Elle rappelle que les étrangers non communautaires en situation régulière cotisent, paient des impôts et apportent beaucoup à notre société sur les plans économique, social et culturel.
Le droit de vote aux résidents de longue date
Sur fond de débat sur l’identité nationale, Jean-François Copé, président des députés UMP, a rappelé que le droit de vote est indissolublement lié à la nationalité française. Si on donnait le droit de vote aux ressortissants qui ne sont pas Français sur notre territoire, ce serait diluer le droit de vote, a fait valoir M. Copé, invité de Questions d’Info LCP/France Info/AFP. Etre citoyen français, c’est avoir des droits et des devoirs, parmi les droits il y a le droit de vote, a-t-il insisté.
Pour lui, le cas des élections européennes où les ressortissants de l’UE peuvent voter est un peu différent car il existe des éléments de citoyenneté européennne comme le passeport, les règles de circulation…
Plutôt que de donner le droit de vote aux étrangers pour les élections locales, ce qui au fond est un pis-aller, mieux vaut faciliter les naturalisations de ceux des étrangers qui vivent en France depuis 15 ou 20 ans et qui ont toutes les raisons d’être naturalisés et qui ont toutes les difficultés à l’être.
Une opinion partagée par l’ancien Premier ministre socialiste Lionel Jospin qui s’est dit personnellement favorable à l’octroi du droit de vote aux élections locales pour les étrangers en France depuis longtemps. Que des étrangers en France depuis longtemps, en situation régulière bien sûr, puissent voter dans des élections locales, j’y suis personnellement favorable, a déclaré M. Jospin sur I-Télé. Il faudrait le faire à ce moment-là de façon unanime, pour que, selon les moments ou c’est proposé, on ne taxe pas d’arrière-pensée électorale tel ou tel, a-t-il ajouté.
Lors de son passage à Matignon, l’ancien Premier ministre n’avait lui-même pas retenu une proposition de loi déposée par les socialistes à l’Assemblée en 2000. C’était dans les 110 propositions de François Mitterrand, c’était en 1981, nous somme en 2010: cela fait trente ans et aucun gouvernement de gauche ne l’a finalement fait, a-t-il admis. Selon lui, le fait que le président de la République, à un moment, ait dit cela et que la gauche y reste attachée devrait permettre de faire avancer le dossier.
« Discours hypocrite »
Le socialiste Faouzi Lamdaoui, proche de François Hollande, a dénoncé un discours hypocrite de Nicolas Sarkozy sur le droit de vote des étrangers aux élections locales, jugeant que cette réforme doit aboutir par voie parlementaire, et en cas d’échec par voie réglementaire.
Nicolas Sarkozy s’était prononcé en 2005 en faveur du droit de vote des étrangers aux élections locales, comme ‘facteur d’intégration’, mais il n’a fait aucun geste pour le faire adopter par sa majorité, indique ce membre du Conseil national du PS dans un communiqué. La révision constitutionnelle de Nicolas Sarkozy était marquée du sceau de l’hypocrisie, comme témoigne l’absence de plusieurs réformes essentielles à la démocratie et à la citoyenneté.
En effet, souligne Luc Chatel, Nicolas Sarkozy avait évoqué dans un ouvrage, il y a plusieurs années avant la campagne présidentielle, son opinion, son avis personnel sur ce sujet, mais il avait bien expliqué en 2007 qu’il ne souhaitait pas voir figurer cette proposition dans son programme présidentiel car il estimait que le temps n’était pas venu et que ce n’était pas d’actualité.
De leur côté, les sénateurs du groupe communiste et du parti de gauche (CRC-SPG) soumettront au vote du Sénat un amendement accordant aux étrangers le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales. Ils souhaitent que le Parlement marque, par l’adoption de cette disposition importante, sa volonté d’approfondir la démocratie locale et marque son attachement à une France ouverte et non pas refermée sur ses vieux démons. Le groupe dépose au total « 216 amendements » sur le projet de loi relatif aux collectivités territoriales dont l’examen débute la semaine prochaine au Sénat.
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