La rentrée politique a débuté sur les chapeaux de roue. Par un communiqué dévoilé peu après 9h30, le président de la République François Hollande a confirmé Manuel Valls dans ses fonctions de premier ministre, en lui demandant toutefois de remanier son équipe gouvernementale dès mardi 26 août.
« Le chef de l’Etat lui a demandé de constituer une équipe en cohérence avec les orientations qu’il a lui-même définies pour notre pays » indique, laconique, un communiqué de la présidence faisant implicitement référence au pacte de responsabilité et à la politique de l’offre.
« L’idée est de reconstituer une équipe qui soit en adéquation avec la ligne économique de l’exécutif » a assuré le cabinet de Manuel Valls, qui avait assuré la veille qu’une ligne jaune avait été franchie. Dans son viseur ? Le jusqu’alors ministre de l’Economie et du Redressement productif, Arnaud Montebourg.
Remise en cause de l’austérité – Dans un entretien paru le 23 août dans le Monde, ce dernier appelait à ré-orienter la politique économique du gouvernement déterminée par le duo Hollande-Valls. « La réduction à marche forcée des déficits est une aberration économique, car elle aggrave le chômage, une absurdité financière, car elle rend impossible le rétablissement des comptes publics, et un sinistre politique, car elle jette les Européens dans les bras des partis extrémistes » tonnait Arnaud Montebourg.
Le lendemain, il émettait des propositions alternatives articulant politiques de l’offre et de la demande lors de la Fête de la rose, dans son fief électoral de Frangy-en-Bresse. Pour lui, un tiers des économies réalisées sur les dépenses publiques doivent être redistribuées en faveur du pouvoir d’achat des ménages, à côté du soutien aux entreprises et de la réduction de la dette.
L’enjeu de la solidarité gouvernementale – Des appels à la démission pour cause de remise en cause de la solidarité gouvernementale se firent alors entendre, à gauche comme à droite, après la réitération de ses critiques malgré la confirmation de cette ligne gouvernementale par François Hollande et Manuel Valls mi-août. Ce qu’Arnaud Montebourg refusa de faire encore une heure avant l’annonce du remaniement : affirmant sur Europe 1 qu’il ne s’agissait pas d’un « débat d’autorité » mais plutôt d’un « débat d’orientation », il estimait « qu’on ne se sépare pas de ministres pour la simple raison qu’ils portent des propositions dans un débat justifié. »
Plus que sur l’exécutif gouvernemental, une large partie de l’entretien qu’il avait accordé au Monde reportait la responsabilité sur l’Allemagne et l’Union européenne : « nous ne pouvons plus nous laisser faire. Si nous devions nous aligner sur l’orthodoxie la plus extrémiste de la droite allemande, cela signifierait que, même quand les Français votent pour la gauche française, en vérité, ils voteraient pour l’application du programme de la droite allemande. »
5ème République contre 6ème République ? François Hollande, après avoir rencontré Manuel Valls dimanche soir puis lundi matin, ne l’a donc donc pas vraiment entendu de cette oreille. En critiquant la politique décidée par le président de la République sous la 5ème République, le chantre de la 6ème République avait en quelque sorte déjà scellé son destin…
Le Premier ministre a alors reçu l’ensemble des ministres du gouvernement démissionnaire et les poids lourds de la majorité, afin de les sonder sur leur état d’esprit et leur acceptation de la ligne sociale-libérale plébiscitée par le couple exécutif.
Avant ou peu après ces entrevues, Arnaud Montebourg et Aurélie Filipetti ont annoncé ne plus vouloir faire partie du gouvernement Valls. L’ex-ministre de l’Education nationale Benoît Hamon a lui annoncé qu’il ne ferait pas partie du gouvernement Valls 2 et qu’il ne ferait donc pas la rentrée scolaire lors du journal télévisé de France 2, quelques heures plus tard.
Crise politique – Ces réactions en chaîne confrontent donc François Hollande à l’une des plus graves crises politiques qu’il ait dû gérer en tant que Président, devant choisir entre le besoin d’affirmer son autorité politique ou celui d’assumer sa ligne idéologique quitte à faire face en conséquence à une majorité parlementaire de plus en plus étriquée et une contestation grandissante au sein même du PS, le tout dans une situation économique difficile.
Ne tenant pas compte de l’actualité politique, les chantiers législatifs continuent, eux, de s’accumuler à quelques semaines de la rentrée parlementaire. Des projets de lois Organisation territoriale à ceux liés à l’Agriculture, la biodiversité en passant par celles concernant les élus locaux ou les polices territoriales, plusieurs textes concernant les collectivités locales seront notamment au menu du prochain gouvernement. Mais sous quel calendrier ? Et avec quelles modifications ?
Les réactions à la démission du gouvernement
Dissoudre or not dissoudre
Plusieurs voix de tous bords ont demandé la dissolution de l’Assemblée nationale : l’ancien Premier ministre UMP François Fillon s’est lui interrogé sur « la capacité du président, quel que soit le gouvernement qu’il choisira, à prendre les décisions indispensables et à provoquer le choc de compétitivité nécessaire. On peut aussi douter de la majorité parlementaire pour appuyer le changement de politique correspondant. »
Le Parti de gauche « exige » ainsi « un retour aux urnes » car « c’est le peuple qui doit dire s’il a confiance ».
Pour la présidente du Front national Marine Le Pen, “de l’UMP au PS, les gouvernements se succèdent mais les politiques ne changent pas ». Vu les scores du FN aux dernières municipales, cette dissolution pourrait permettre au FN de gagner des sièges.
EELV hors jeu
“Les conditions [sont] encore moins réunies aujourd’hui qu’en avril, a indiqué Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EELV. Prise lors d’une réunion du bureau exécutif ce lundi, la décision de ne pas participer a été “unanime”, « la réalité étant qu’on ne peut pas discuter d’un changement de cap ». De toute façon, « on ne nous l’a pas proposé », a-t-elle rajouté.
Les frondeurs aux petits oignons
Certain-e-s député-e-s frondeurs-ses ont encore chargé davantage François Hollande. Christian Paul, soutien de Martine Aubry, et Marie-Noëlle Lienemann, figure de l’aile gauche du parti, ont parlé de “crise d’autoritarisme”.
Le PRG silencieux
Pas de nouvelle du PRG, qui menaçait encore voilà deux jours de quitter le gouvernement, en raison de désaccord sur la réforme territoriale. Même pas un petit tweet : le dernier de Sylvia Pinel, ministre du Logement, remonte à avril, celui de Jean-Michel Baylet à juillet et parle de… légalisation du cannabis.
Un peu de soutien
Parmi les membres de la majorité qui soutiennent le gouvernement, on relève le maire de Lyon Gérard Collomb, qui salue « l’affirmation d’une seule ligne politique parmi les membres du gouvernement », et qui est pressenti pour entrer au gouvernement.
Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale et Didier Guillaume, président du groupe socialiste au Sénat, ont aussi serré les coudes.
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