Le président de l’Assemblée des départements de France (ADF) Claudy Lebreton (PS) a trouvé son bréviaire : le rapport des sénateurs Yves Krattinger (PS) et Jean-Pierre Raffarin (UMP) publié en octobre 2013. En bonne place : le passage de vingt-deux régions à un chiffre compris entre huit et dix.
Ce redécoupage, en-deçà du nombre arrêté par l’exécutif (quatorze), justifierait, selon Claudy Lebreton, le maintien d’un échelon intermédiaire entre le bloc local et les ensembles régionaux. « Les grands pays d’Europe comptent, comme chez nous, trois niveaux d’administration », a-t-il fait valoir le 24 juin, devant la commission spéciale du Sénat chargé d’examiner le premier projet de loi portant réforme territoriale.
Moody’s à la rescousse – Pour le numéro un de l’ADF, le conseil général doit être maintenu sur le territoire des métropoles. La fusion, sur le périmètre du Grand Lyon, entre la communauté urbaine et le conseil général du Rhône ne saurait à ses yeux, servir de matrice. Un Rhône amoindri sera maintenu, fait-il remarquer. Quant à l’ensemble fusionné, il sera lesté d’importantes dettes. « Son président Gérard Collomb va s’arracher les derniers cheveux qui lui restent », plaisante Claudy Lebreton.
« Nous portons la défense de l’institution départementale où qu’elle soit », poursuit-t-il. Un message reçu cinq sur cinq à la mairie de Paris. Anne Hidalgo (PS) se prononce pour le maintien du conseil général de la capitale.
Son hôtel de ville a accueilli, le 25 juin, les frondeurs de l’ADF. Aucune résolution n’a été prise à l’issue de cette assemblée générale. Mais lors de la conférence de presse qui a suivi, Claudy Lebreton a distillé ses éléments de langage : « La réforme territoriale n’est pas un texte de décentralisation. Elle ne va pas dans le sens de l’histoire. Comme l’a relevé Moddy’s, elle ne génèrera pas d’économies. Les redondances ne se situent pas dans les départements, mais davantage dans le bloc local. »
Sondage sur mesure – Selon un sondage CSA pour l’ADF dévoilé à l’occasion de l’AG du 25 juin, 84 % des Français ne considèrent pas la suppression des départements comme une priorité de la réforme territoriale. 78 % font, avant tout, confiance aux collectivités territoriales pour améliorer leur quotidien.
Au-delà de ces scores faramineux qu’infirment en partie d’autres études, la présidente du groupe de gauche à l’ADF et du conseil général de Haute-Vienne, Marie-Françoise Pérol-Dumont (PS) décèle une soif de proximité. « Or, les transports scolaires, transférés des départements vers les régions seront gérés par une plateforme téléphonique, déplore-t-elle. Ce n’est pas ainsi que je conçois l’action publique locale, à l’heure où le vote FN est très fort en zone urbaine éloignée. »
« Les départements ont fait la preuve de leur utilité, tranche Marie-Françoise Pérol-Dumont. Par exemple, la CMU et l’APA sont, en partie, nées au conseil général de Haute-Vienne. »
Les SDIS à l’Etat – Face à l’asphyxie financière des départements, Marie-Françoise Pérol-Dumont défend « une recentralisation du RSA ». « Nous posons aussi cette question pour les services départementaux d’incendie et de secours », ajoute-t-elle.
Plus de la moitié des conseils généraux, ont, le plus souvent à l’unanimité, pris des résolutions contre leur « dévitalisation » enclenchée par le secrétaire d’Etat à la réforme territoriale, André Vallini. D’autres suivront.
Sous l’égide des présidents de l’Aude et du Haut-Rhin, André Viola (PS) et Charles Buttner (UMP), l’ADF fera connaître ses contre-propositions en septembre, c’est-à-dire à la veille de l’examen du second projet de loi portant réforme territoriale. A l’Assemblée, un mini-groupe de députés PS planche aussi en ce sens.
Au Sénat, le premier texte sur les fusions de régions, ainsi que sur le report des scrutins départementaux et régionaux en décembre 2015, sera examiné à partir du 1er juillet. Si Claudy Lebreton approuve le nouveau calendrier des scrutins, il réclame un redécoupage plus ambitieux.
Pour ce faire, il milite en faveur d’un droit d’option ouvert à certains départements désireux de rejoindre une autre région que la leur. Le président du conseil général des Côtes-d’Armor songe naturellement à la Loire-Atlantique dont le rattachement à la Bretagne fait encore et toujours débat.
Claudy Lebreton est-il l’homme de la situation ?
Les sénateurs, présidents de conseils généraux de droite et membres de la commission spéciale dédiée au projet de loi sur le redécoupage des régions, ont jugé le président de l’ADF pusillanime.
A tel point que certains d’entre eux ont demandé à Claudy Lebreton s’il était si opposé à la « dévitalisation » de la collectivité départementale…
Le président du conseil général de la Manche, Philippe Bas (UMP) a invité son collègue des Côtes-d’Armor à entrer « en résistance ». Dans un communiqué publié le 25 juin, juste après l’AG de l’Assemblée des départements de France, Bruno Sido (UMP) enfonce le clou. Le président du groupe de la Droite, du centre et des indépendants, demande que l’association « adopte une position affirmée sur le projet de réforme, mettant fin au louvoiement ».
Il réclame « que la Cour des Comptes soit officiellement saisie » sur les « deux projets de loi, qui sont habituellement et abusivement présentés comme générateurs d’économies ». Une proposition portée depuis des semaines par… Claudy Lebreton.
Face aux attaques, le numéro 1 de l’ADF rappelle volontiers que, dans sa famille politique, ses positions sur l’institution départementale ne lui valent pas que des louanges. Décentralisateur avant d’être corporatiste, Claudy Lebreton se définit comme un « homme libre ». Et qui entend le rester.
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