« S’il n’y a pas un signe clair donné avant l’été, les collectivités territoriales vont co-construire l’établissement public numérique et nous inviterons l’Etat à s’associer. » Mercredi 11 juin, Gilles Quinquenel, président de Manche Numérique et de la commission communication électronique à la Fédération nationale des collectivites concédantes et régies (FNCCR), a adressé un signal parfaitement clair, lui, à la secrétaire d’Etat en charge du numérique Axelle Lemaire lors du colloque de la FNCCR dédié au numérique : le serpent de mer d’une entité chapeautant le numérique français, doit enfin prendre pied sur la terre ferme.
Les différents acteurs rassemblés autour de la table ronde sur le sujet étaient d’accord sur l’urgence, car la réforme territoriale pourrait ralentir encore plus le déploiement de France Très Haut Débit, qui avance pour le moment à une vitesse de modem, alors que les objectifs sont très ambitieux : le THD pour tous d’ici 2020.
« Balkanisation de l’action publique » – Le dĂ©putĂ© PS de la Nièvre Christian Paul a fustigĂ© la « balkanisation de l’action publique. Il faut faire converger les financements publics, simplifier les guichets, a fortiori en pĂ©riode de restrictions ».
En illustration, il a évoqué les différentes modalités de déploiement d’un territoire à l’autre : là c’est la région qui prend la main, ici le département. Un département appelé à une mort certaine dans les années qui viennent.
Lors du colloque organisĂ© par l’AVICCA le 13 mai 2014, Axelle Lemaire a confirmĂ© la crĂ©ation, d’ici l’étĂ©, de l’Agence du numĂ©rique. Mais depuis, pas grand chose semble-t-il, et les dĂ©clarations d’Antoine Darode (1) aujourd’hui ne sont pas pour rassĂ©rĂ©ner les collectivitĂ©s mobilisĂ©es : entre deux mĂ©taphores très JoĂ«l Collado Ă base de houle et de brume, il a parlĂ© de « la fin de l’étĂ© », rappelant que « l’étĂ© se finit le 21 septembre ».
« Si on attend la réforme, on y est encore dans cinq ans », a soupiré Guy Hourcabie, premier vice-président délégué de la FNCCR et président du SIEEEN.
.@christianpaul58: La gĂ©nĂ©ralisation du dĂ©ploiement du THD est entravĂ©e par l’Ă©miettement de l’initiative publique #FNCCR
— Energie2007 (@Energie2007) June 11, 2014
« La neutralitĂ© de l’organe est une obligation » – Outre la question du tempo, celle de la forme en est une autre, aussi sujette Ă discorde. La secrĂ©taire d’Etat a annoncĂ© : rĂ©unissant la FrenchTech, la dĂ©lĂ©gation aux usages de l’internet et la Mission Très Haut DĂ©bit, cette agence sera « un outil pensĂ© pour la co-construction des projets publics numĂ©riques, comme le fait la Mission très haut dĂ©bit aujourd’hui sur les infrastructures et qui doit ĂŞtre Ă©tendu aux usages et aux Ă©cosystèmes numĂ©riques ».
Le diable se niche dans un petit mot, « agence », traduction : entité sous la coupe de Bercy, une réorganisation de la DGCIS qui ne dirait pas son nom.
« Si c’est rattaché à Bercy, ça nous pose un petit souci, a euphémisé Nathalie Manet-Carbonnière, conseillère régionale d’Aquitaine en charge des TIC, représentant de l’ARF. La neutralité de l’organe est une obligation, il faudra définir les modalités de gouvernance, à l’aune d’une politique d’aménagement dans un contexte d’économies, et la place de l’opérateur historique dont l’Etat est actionnaire. Il faut avoir la maitrise du choix des projets et du calendrier. »
Les cost killers de Bercy ne sont donc pas les bienvenus. Akim Oural, Ă©lu Ă Lille MĂ©tropole, membre du Conseil national du numĂ©rique (CNN), en charge d’une mission sur la gouvernance numĂ©rique, a renchĂ©ri : « la question du triple play relève de l’offre commerciale, il faut prendre en compte celles du vieillissement, de l’éducation, de la transition Ă©nergĂ©tique, des entreprises… L’innovation partira des territoires, qui donneront le la de ce que peut ĂŞtre une politique publique du numĂ©rique. »
Rattachement auprès du Premier ministre – La balance penche donc plutĂ´t pour un Ă©tablissement public administratif rattachĂ© au Premier ministre, et non pas un EPIC qui ferait tendre l’entitĂ© vers une activitĂ© commerciale.
L’ajout d’Etalab, la mission en charge de l’ouverture des données publiques, amenée à élargir son périmètre aux données en général, a aussi été évoqué. « L’établissement ne peut être rattaché qu’auprès du Premier ministre, le numérique impacte tous les domaines », a argumenté Gilles Quinquenel, qui a également souligné « l’enjeu sociétal majeur de la péréquation ».
Dans ce contexte, « tous les échelons des collectivités doivent être associés à la gouvernance, a indiqué Nicolas Bonneau, maire de La Chapelle Saint-Mesmin, représentant l’AMF. Il ne faut pas oublier une partie du pays. »
Curieusement, Claudy Lebreton, prĂ©sident de l’ADF, auteur d’un rapport sur les territoires numĂ©riques, n’était pas prĂ©sent, alors que l’ADF fait naturellement partie des acteurs amenĂ©s Ă se joindre et qu’il est le premier Ă avoir lancĂ© l’idĂ©e d’une initiative coordonnĂ©e entre les associations d’Ă©lus, penchant plutĂ´t pour l’Avicca comme point de rassemblement.
Akim Oural a aussi exprimé la nécessité d’associer les acteurs privés, citant l’exemple de « la dynamique French Tech », présenté comme un rassemblement des « acteurs de l’ écosystème de startups français » : « la synergie entre les acteurs est de l’intérêt de tous, cette vertu peut exister au niveau national. »
Quid du modus operandi ? – Pour le reste, les propos d’Axelle Lemaire lors du colloque AVICCA ont aussi apportĂ© une part de satisfaction : « les usages rejoignent les tuyaux, ça me semble prometteur », a relevĂ© Francis Kuhn, directeur gĂ©nĂ©ral du Syndicat Intercommunal des CollectivitĂ©s Territoriales InformatisĂ©es Alpes MĂ©diterranĂ©e (SICTIAM).
Reste à passer des déclarations d’intention à la tribune à la mise en oeuvre de cette volonté générale. Les acteurs réunis hier sont tous très motivés, mais ne représentent pas l’ensemble des collectivités. Et l’été, c’est le 21 juin.
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