« Le rapport de Martin Malvy et d’Alain Lambert Ă©nonce de nombreuses propositions, a dĂ©clarĂ© le Premier ministre un peu avant sa remise officielle le 16 avril 2014. Nous y sommes sensibles car elles proviennent d’Ă©lus. »
Et certaines vont dans le mĂŞme sens que ce que prĂ©conise d’ores-et-dĂ©jĂ Manuel Valls (voir encadrĂ©).
Ce dernier ne pourra pas reprocher la timiditĂ© des orientations suggĂ©rĂ©es par les prĂ©sidents de la rĂ©gion Midi-PyrĂ©nĂ©es (PS) et du conseil gĂ©nĂ©ral de l’Orne (UMP).
Ils prĂ©conisent notamment de « stabiliser en valeur les dĂ©penses des administrations publiques centrales et locales », alors que les collectivitĂ©s et leurs groupements devraient cumuler 230,9 milliards d’euros de dĂ©penses totales (hors remboursement de dette) en 2014(1) contre 229,2 milliards en 2013.
Pour s’assurer du respect de cette règle, les 2 Ă©lus plaident pour « formaliser dans un texte lĂ©gislatif les Ă©volutions des dotations de l’État et les perspectives d’évolution des principaux agrĂ©gats budgĂ©taires des collectivitĂ©s » : en clair, une loi de financement des acteurs publics locaux – rĂ©clamĂ©e Ă plusieurs reprises par Alain Lambert – qui n’aurait toutefois pas le mĂŞme statut que les lois de finances et de financement de la sĂ©curitĂ© sociale.
« Sans ĂŞtre prescriptif, le texte permettrait d’identifier des objectifs nationaux d’évolution des dĂ©penses des administrations locales par strate de collectivitĂ©s », prĂ©cise le rapport. Ce qui existe pour les dĂ©penses d’assurance maladie serait donc transposĂ© pour les budgets locaux.
Ce texte contiendrait :
- les flux financiers entre l’État et les collectivités territoriales (dotations, remboursements et dégrèvements pris en charge par l’État, cofinancements État-collectivités, etc.). Les évolutions pluriannuelles des dotations de l’État seraient présentées dans ce texte ;
- les évolutions de recettes cohérentes avec les données économiques, à fiscalité constante ;
- l’impact des normes sur les dépenses des collectivités ;
- l’impact des dĂ©cisions dĂ©jĂ prises par l’État en matière de prestations sociales universelles aujourd’hui payĂ©es par les dĂ©partements et de masse salariale des collectivitĂ©s ;
- les perspectives d’évolution des dépenses, des recettes, du besoin de financement et de l’endettement des collectivités cohérents avec les engagements européens de la France, et ce, par échelon de collectivité, en identifiant spécifiquement les métropoles au sein du bloc communal.
AmĂ©liorer le dialogue Etat-collectivitĂ©s – Les orientations retenues ne seraient pas imposĂ©es pas l’Etat, mais issues d’un processus de discussion avec les Ă©lus. Les 2 auteurs proposent dans ce but de crĂ©er un « Dialogue national des territoires », instance qui devra constituer « un espace de travail rĂ©gulier » entre responsables politiques de l’État (Premier ministre et ministres concernĂ©s) et des collectivitĂ©s (prĂ©sidents des principales associations).
Cette concertation nationale serait complĂ©tĂ©e par un « pacte volontaire individualisĂ© » entre l’Etat et les rĂ©gions, les dĂ©partements et les principales agglomĂ©rations, assorti de mĂ©canismes d’incitation financière pour les 2 parties et fixant :
- l’évolution de la DGF sur 3 ans et la compensation des décisions de l’État impactant sans accord préalable les finances des collectivités ;
- l’évolution des dépenses, prélèvements, déficit et endettement, et éventuellement, les fusions ou regroupements de collectivités.
« L’État ne dispose en effet aujourd’hui comme levier sur l’évolution des principaux agrĂ©gats budgĂ©taires des collectivitĂ©s territoriales que des ressources qu’il leur attribue. Le pacte permet d’ouvrir le jeu en offrant une contrainte allĂ©gĂ©e sur les ressources – mĂŞme si elle reste inĂ©vitablement forte dans le contexte actuel – complĂ©tĂ©e par des engagements prĂ©cis sur les Ă©volutions financières de la collectivitĂ© », dĂ©taille le rapport.
De mĂŞmes, les principales entitĂ©s publiques partenaires (Ă©tablissements publics, entreprises de transport…) pourraient ĂŞtre associĂ©es, dans un cadre conventionnel, Ă une logique de maĂ®trise forte des prestations qu’elles facturent aux collectivitĂ©s.
Pour faire reposer ces discussions sur des constats communs, l’idĂ©e de dĂ©velopper une mĂ©thode partagĂ©e de calcul et d’objectivation des coĂ»ts, en s’appuyant sur un Ă©chantillon reprĂ©sentatif de collectivitĂ©s volontaires, est avancĂ©e. Un observatoire des finances locales (mais il en existe dĂ©jĂ un, pilotĂ© par les Ă©lus locaux dans le cadre du CFL) pourrait aussi voir le jour dans ce but.
Au niveau local, une meilleure information des assemblĂ©es dĂ©libĂ©rantes concernant les coĂ»ts de fonctionnement et les impacts socio-Ă©conomiques des investissements est souhaitĂ©e, de mĂŞme qu’une plus grande communication autour de leur programmation.
RĂ©duire les syndicats et les satellites – Martin Malvy et Alain Lambert prĂ©conisent par ailleurs une rationalisation de certaines structures locales. Sur l’avenir des dĂ©partements, ils suggèrent « d’envisager » une Ă©volution Ă long terme vers une fĂ©dĂ©ration des intercommunalitĂ©s ou des fusions avec les agglomĂ©rations, Ă l’image de l’expĂ©rience lyonnaise.
Ils avancent de possibles mutualisations de services entre les conseils généraux et le bloc communal ou les centres communaux d’action sociale.
Ils souhaitent Ă©galement que des « fusions de syndicat avec l’EPCI Ă fiscalitĂ© propre lorsque 80 % des membres du syndicat appartiennent Ă cet EPCI Ă fiscalitĂ© propre, les 20 % restants pouvant dĂ©lĂ©guer la compĂ©tence Ă l’EPCI concernĂ© » (avec une dĂ©rogation pour l’eau et l’assainissement) puissent ĂŞtre prĂ©vues.
Ils réclament dans le même sens que le nombre de satellites soit réduit par fusion ou réinternalisation des compétences et encouragent le dispositif de commune nouvelle.
Achever la dĂ©centralisation – Autant d’Ă©volutions qui nĂ©cessitent que le processus de dĂ©centralisation soit achevĂ© et que la rĂ©partition des compĂ©tences soit clairement dĂ©finie. Les deux Ă©lus demandent donc le transfert des moyens d’intervention (crĂ©dits et personnels) de l’État dans les domaines oĂą les collectivitĂ©s interviennent aujourd’hui majoritairement.
De plus, ils veulent encourager la délégation de compétences des services déconcentrés de l’État vers les collectivités.
Enfin, les auteurs du rapport considèrent que les processus de mutualisation intercommunaux doivent s’accentuer afin, par exemple, d’atteindre un seuil minimal d’intĂ©gration de 60 % Ă l’Ă©chelle intercommunale Ă un horizon de 6 ans.
Un ratio correspondant au rapport entre les dépenses effectuées pour le compte du territoire intercommunal et l’ensemble des dépenses additionnées des communes et de l’EPCI pourrait être créé à cette fin.
Toutes ces rĂ©formes demanderont du temps pour ĂŞtre mises en oeuvre. Or, le gouvernement n’en a pas pour rĂ©duire le dĂ©ficit public. Le risque est donc rĂ©el de voir les Ă©conomies prĂ©cĂ©der les Ă©volutions qui doivent les engendrer.
Les pistes de Manuel Valls
A l’issue du Conseil des ministres du 16 avril 2014, Manuel Valls a annoncĂ© que la part des collectivitĂ©s dans les 50 milliards d’euros d’Ă©conomies Ă rĂ©aliser d’ici Ă 2017 serait de 11 milliards d’euros. Le futur projet de loi de rĂ©forme territoriale devrait inclure « des rĂ©formes profondes pour gĂ©nĂ©rer des Ă©conomies ».
Il a notamment Ă©voquĂ© la suppression de la clause gĂ©nĂ©rale de compĂ©tence (pour les dĂ©partements et les rĂ©gions), une « meilleure sĂ©lection » des projets financĂ©s et une rationalisation des syndicats intercommunaux.
Le document communiquĂ© par Matignon prĂ©voit Ă©galement une rĂ©forme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) – en principe amorcĂ©e par la direction gĂ©nĂ©rale des collectivitĂ©s locales – pour « encourager les comportements vertueux et renforcer les mĂ©canismes de solidaritĂ© financière entre collectivitĂ©s riches et dĂ©favorisĂ©es ».
Références
"Pour un redressement des finances publiques fondé sur la confiance et l'engagement mutuel de chacun" - Alain Lambert et Martin Malvy - Avril 2014
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