Aucun texte particulier ne définit la place des sites internet sur le plan juridique dans le cadre de la campagne électorale. Diverses réponses ministérielles et quelques décisions de jurisprudence permettent toutefois aujourd’hui de mesurer les précautions à prendre en ce domaine. Clairement, le site internet ne doit pas participer à la campagne électorale, il est tenu à la neutralité.
Ainsi, il ne peut pas, dans les six mois précédant l’élection, être utilisé comme support pour vanter les réalisations de la municipalité sortante. Il ne peut ni servir explicitement la propagande d’une liste candidate, ni établir de lien vers le site d’une liste.
Selon le ministère de l’Intérieur, la jurisprudence relative aux journaux d’information et aux bulletins municipaux est parfaitement transposable à la création, à l’installation ou à la mise à jour des sites internet des collectivités (1).
Simples, peu onéreux et susceptibles de susciter un nombre important de visites, les blogs des candidats, nouveaux outils de communication, n’en demeurent pas moins placés sous l’étroite surveillance du juge.
Site internet institutionnel
Les collectivités disposant d’un site internet institutionnel destiné à relayer l’information des administrés, notamment par la mise en ligne du bulletin municipal, sont assujetties aux dispositions des articles L.52-1 et L.52-8 du Code électoral et aux sanctions qui en découlent.
Absence de financement
La collectivité ne peut « participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » (C. élect., art. L.52-8).
Ces dispositions impliquent qu’au moins pendant l’année précédant les élections, l’utilisation du site internet institutionnel d’une collectivité doit éviter toute promotion excessive des réalisations et de la gestion de la collectivité et de l’équipe sortante. À défaut, le site pourrait constituer un avantage financier indirect.
Neutralité et caractère informatif
Un site internet doit impérativement respecter les principes applicables aux bulletins municipaux, à savoir assurer l’information des administrés de manière tout à fait neutre et demeurer purement informatif.
Exempt de polémique électorale, il doit éviter toute référence à l’échéance électorale et le ton employé doit être le plus neutre possible. Ainsi un site existant avant le début de la campagne électorale de la collectivité pourra être considéré comme méconnaissant les dispositions de l’article L.52-1 alinéa 2 s’il résulte de son contenu qu’une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion collectivité est organisée (2).
Mise à jour dans l’année précédant le scrutin
Il reste possible de procéder à la mise à jour du site internet de la collectivité dans l’année qui précède le scrutin. Il est vivement conseillé, durant l’année précédant les élections municipales, de ne plus autoriser l’accès aux rubriques telles que le bulletin municipal archivé comportant des éditoriaux ou des bilans de mandat, ou les pages de « libre expression » des différents groupes composant le conseil municipal.
Au total, quatre principes devront être respectés :
- antériorité : pas de mise à jour spécifiquement réalisée dans la perspective des élections ;
- régularité : éviter les mises à jour inhabituelles ou particulièrement répétitives à l’approche des scrutins ;
- identité : proscrire les modifications avantageuses de l’aspect du site, de sa charte graphique, des rubriques présentées ;
- neutralité : critère essentiel, il s’agit ici de veiller à ce que le site internet de la collectivité ne contienne que des informations politiquement neutres et à caractère purement informatif.
Mise à jour dans les 6 mois précédant le scrutin
A compter du 1er septembre 2013, le contenu du site devra s’affranchir de toute promotion des réalisations de la collectivité et, bien entendu, de toute mise en valeur de la gestion municipale.
Le juge administratif a jugé et validé la création par une commune, en mars 1998, d’un site internet se bornant à présenter de manière générale les actions de la commune dont le maire fut candidat à l’élection cantonale organisée l’année suivante (3). Cette solution a été confirmée s’agissant de la création, en 1997, d’un site internet par la communauté d’agglomération du Grand Rodez, ne contenant que des informations générales sur la région concernée (4).
Une page du site d’une collectivité peut légalement être consacrée à la présentation de l’exécutif en activité, même si celui-ci s’avère par la suite être candidat à une élection. Dans ce cas, il convient de comparer la dimension de cette présentation par rapport au total de plusieurs milliers de pages que comporte le site, pour juger que celle-ci ne peut être regardée comme une véritable campagne de promotion publicitaire au sens de l’article L.52-1 (5).
Doivent en revanche être prohibées les informations diffusées sur le site internet faisant explicitement référence aux élections à venir, à la candidature d’un élu, dont le ton relève de la polémique politique, qui relaient les thèmes de campagne de l’élu-candidat ou encore qui dressent un bilan complet et très flatteur pour ce dernier (6). Il faut donc particulièrement veiller à purger le site internet de documents potentiellement constitutifs de promotion publicitaire plus de six mois avant l’élection.
Par ailleurs, et sauf justifications techniques, le site ne peut pas apparaître au début de la campagne ou changer de taille ou de présentation dans des proportions considérables
Création d’un site internet
L’ouverture d’un site, par une collectivité, est donc possible durant la période électorale, mais elle doit, bien évidemment, se faire avec d’extrêmes précautions, car la communication qui en résulte ne bénéficie pas d’une antériorité. Le contenu devra être tout spécialement maîtrisé, de même que la communication sur l’ouverture du service. Le seul fait de créer un site internet de la collectivité durant la période électorale n’est pas, en principe, de nature à faire de cette création et de ce fonctionnement une campagne de promotion publicitaire prohibée par l’article L.52-1 du Code électoral, ni une aide interdite de la collectivité au candidat. C’est essentiellement au vu du contenu du site que le juge électoral se prononce (7).
Site ouvert depuis le 1er mars
La mise en ligne d’un nouveau site internet à compter du 1er mars 2013 risque d’être assimilée par le juge, en fonction de son contenu, à un avantage indirect consenti au candidat sortant par la collectivité.
La jurisprudence a précisé que la création d’un site internet par une commune comportant une « présentation générale de la commune » ne constituait pas automatiquement une campagne de promotion publicitaire (8).
Blogs des candidats
La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique a précisé que l’élément de « publicité » peut être caractérisé par l’usage de tout moyen de communication au public par voie électronique. Sur ce fondement, le tribunal de grande instance de Paris a indiqué que les blogs sont soumis à la même réglementation que les sites internet (9) et, bien sûr, au respect des dispositions relatives à la diffamation prévues par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 (art. 29). Le ministre de l’Intérieur a apporté trois précisions concernant le cadre juridique applicable aux blogs lors d’une campagne électorale (10) :
- lorsqu’un blog est utilisé à des fins de propagande électorale, l’ensemble des dépenses liées à cet outil doit figurer dans le compte de campagne du candidat ;
- l’article L.52-8 du Code électoral interdisant la participation des personnes morales au financement de la campagne électorale d’un candidat est applicable en ce domaine. En pratique, le ministre recommande d’éviter que les sites des candidats affichent des messages publicitaires ;
- s’agissant du coût lié à l’hébergement d’un blog, le Conseil d’Etat considère que l’utilisation d’un service gratuit d’hébergement, avec bandeau ou fenêtres publicitaires sur les sites hébergés, ne méconnaît pas les dispositions de l’article L.52-8 du Code électoral « dès lors que la gratuité de l’hébergement du site internet de la liste en contrepartie de la diffusion de message publicitaire ne constitue pas un avantage spécifique à la liste ou au candidat » (11).
Références
- Code électoral (C. élect.), art. L.52-1, L.52-8.
- Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Rép. min. QE n° 7196, JOAN (Q) 29 déc. 1997, p. 4919. Retour au texte
Note 02 CE 8 juill. 2002, Elect. mun. Rodez, req. n° 239220. Retour au texte
Note 03 CE 2 juill. 1999, Élect. cantonale Portel, req. n° 201622. Retour au texte
Note 04 CE 8 juill. 2002, Élect. mun. Rodez, req. n° 239220. Retour au texte
Note 05 CE 9 oct. 2002, Élect. mun. Nice, req. n° 240166. Retour au texte
Note 06 CE 27 avr. 2009, Élect. mun. Montgeron, req. n° 321830. Retour au texte
Note 07 CE 2 juill. 1999, Elect. cantonales Portel, req. n° 201622 ; Rép. min. n° 43425, JOAN Q, 15 mai 2000, p. 3021. Retour au texte
Note 08 CE 2 juill. 1999, Elect. cantonales Portel, req. n° 201622. Retour au texte
Note 09 TGI Paris 17 mars 2006, Cne Puteaux c/ Christophe G. Retour au texte
Note 10 Rép. min., QE n° 24224, JO Sénat Q, 28 sept. 2006, p. 2498. Retour au texte
Note 11 CE 18 oct. 2002, Elect. mun. Lons, req. n° 240048. Retour au texte