Certes, la fierté d’appartenance à sa collectivité reste forte, voire très forte avec 68 % d’opinions positives – 80 % même chez les moins de 26 ans – et près d’un quart d’agents carrément enthousiastes. Néanmoins, ce résultat ne saurait masquer un net refroidissement des ardeurs, l’item enregistrant en douze mois une baisse significative de 6 points toutes catégories confondues.
Le phénomène n’est pas sans interroger, d’autant qu’il pointe alors même que les valeurs du service public trouvent une nouvelle résonance dans les discours nationaux. D’ailleurs, la confiance en l’avenir du service public local (57 %) comme en celui du statut (42 %) renaît, avec une hausse respective de 9 et 12 points par rapport à 2012.
Perte d’identité ? – Dès lors, où le bât blesse-t-il ? Alors qu’un tiers seulement des agents des communes de 5 000 à 10 000 habitants ressentent de la fierté, contre 44 % en 2012, la montée d’une intercommunalité où se diluerait l’identité peut expliquer pour partie ce désappointement.
Mais d’autres désillusions viennent encore éclairer cette fêlure, tel le déficit, toujours plus flagrant, de reconnaissance : pour 56 % et 67 % des agents, hiérarchie et élus manquent respectivement à l’appel (- 7 points par rapport à l’an passé).
En outre, avec 76 % d’insatisfaits, la rémunération, toujours bloquée, signe un manque de considération nationale que les réassurances ministérielles ne gomment pas. Les fonctionnaires locaux ne s’estiment pas assez valorisés.
« Rétablir l’équilibre»
La réaction de Gwenaëlle Hamelin, psychologue experte en prévention des risques psychosiaux, auteur de « Agir sur le stress et les violences au travail », Ed. Dunod 2012
« S’engager dans la fonction publique est un acte le plus souvent dicté par un certain nombre de valeurs que le fonctionnaire est fier de porter et de traduire quotidiennement à travers ses missions, dans ce qu’il est convenu d’appeler « l’esprit de service public ».
Or, le nouvel environnement socio-économique a petit à petit modifié lesdites missions. Du coup peut aujourd’hui se creuser un fossé entre l’idée que chacun avait de son rôle et de la qualité de service à apporter, et ce qu’il est aujourd’hui possible de faire.
Certains le regretteront sans doute, d’autres s’y résigneront, tandis que les plus motivés tenteront de compenser ce décalage en donnant d’eux-mêmes plus qu’il n’est demandé. Dans les trois cas néanmoins, le sentiment de fierté pourra s’en trouver altéré, surtout si, face aux efforts supplémentaires ainsi fournis, aucune reconnaissance n’est perçue, ni par la société dont le discours devient plus ostensiblement « anti-ronds de cuir » (média, politiques…), ni par l’encadrement. Peuvent alors survenir la démotivation, le désengagement mais aussi, pour certains, la souffrance.
Afin de rétablir ce déséquilibre, il est envisageable d’accompagner les agents dans l’évolution de leur métier et de réactualiser les ambitions d’un service public de qualité. Ce peut être un des moyens de renforcer leur sentiment de fierté et la reconnaissance qu’ils recherchent, par et dans l’exercice de leur métier. »
La méthode de l’enquête
Réalisé pour la seconde année pour La Gazette par le cabinet conseil en relations humaines PRAGMA, le questionnaire a été proposé via Internet. Sans prétendre à la représentativité d’un sondage, ce baromètre donne une photographie de l’opinion des 4 600 agents qui ont spontanément répondu, tous statuts, secteurs et collectivités confondus. Afin de garantir la pertinence du résultat au regard du poids respectif de chaque catégorie, un redressement statistique a été opéré.
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Baromètre exclusif - Bien-être au travail : Les clignotants passent au rouge
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- Une fierté effritée, une reconnaissance en berne
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