Mise en place en mars 2010, et inscrite à l’article 61-1 de la Constitution, la procédure, initialement suggérée par l’article 74 rapport Balladur (1) avait suscité quelques craintes.
D’une part, de voir la procédure détournée par des requérants instrumentalisant la QPC ; d’autre part, de voir tout le bloc législatif potentiellement revisité par une juridiction, dont la nomination « politique » des membres nourrit régulièrement la critique, à l’occasion de telle ou telle décision rendue.
Filtrage et retenue – Deux mécanismes semblent avoir tempéré ces craintes. D’une part, la procédure de « filtrage » des recours en QPC par le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, qui décident s’il y a lieu ou non de saisir le juge constitutionnel, semble avoir bien fonctionné.
Au final, depuis trois ans, une QPC sur cinq formulée, parvient au Conseil constitutionnel. Et dans deux cas sur trois, le juge a rendu des décisions de conformité à la Constitution des textes transmis.
Déjà se dresse un panorama des sujets propices à QPC : c’est, sans surprise, les questions environnementales qui ont suscité le plus de questions. Sans doute à raison de l’instabilité de ce pan du droit : les notions de principe de précaution, de participation et de concertation préalable sont propices à toutes les sollicitations citoyennes.
Depuis son entrée en vigueur le 1er mars 2010, les collectivités territoriales ont su elles aussi s’emparer de la QPC, pour des sujets touchant, logiquement, aux relations Etat-collectivités.
Par ce biais, le transfert de biens appartenant à l’Etat dans le cadre de la formation professionnelle a été déclaré contraire à la Constitution (2), la modulation des aides départementales selon le mode de gestion de l’eau a, elle, été autorisée (3).
Enfin, la QPC a permis de clarifier l’obligation de l’Etat de compenser les dépenses sociales transférées aux départements (4).
D’autre part, le juge constitutionnel a fait preuve de retenue. De ces trois années de QPC, on retiendra qu’il a mis fin aux inégalités de traitement entre les titulaires français et étrangers de pensions civiles ou militaires résidant dans le même pays, ou l’annulation de l’ensemble des articles du Code de procédure pénale régissant le régime de la garde à vue.
A noter également sa décision renvoyant au législateur pour revisiter le dispositif d’internement psychiatrique d’office, ou la très médiatisée décision déclarant inconstitutionnelles les dispositions du Code pénal (art. 222-33) relatives à la définition du harcèlement sexuel.
Une crainte infondée ? – Peut-on en déduire que toutes les craintes de fragilisations du bloc législatif étaient exagérées ? L’épisode du vote de la loi portant interdiction de dissimulation du visage dans les espaces publics montre que le risque est réel.
En effet, alors que la loi du 11 octobre 2010 venait d’être votée, le texte a été transmis par les présidents des deux assemblées au Conseil constitutionnel (5). Le but de cette saisie ? Eviter qu’une QPC, bien affûtée juridiquement, ne vienne faire déclarer ultérieurement son inconstitutionnalité. En effet, le Conseil constitutionnel ne se rejuge pas et ne peut être saisi d’une QPC sur une loi qu’il a déjà validée.
Preuve également, que la QPC et son exigence de qualité, sont entrées dans les mœurs dès 2010.
Cet article est en relation avec le dossier
Domaines juridiques
Notes
Note 01 Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République Retour au texte
Note 02 Décision n° 2010-67/86 QPC du 17 décembre 2010 Retour au texte
Note 03 Décision n° 2011-146, QPC du 8 juillet 2011 Retour au texte
Note 04 Décision n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011 Retour au texte
Note 05 Décision n° 2010-613 DC du 07 octobre 2010 Retour au texte