En préalable à sa nouvelle offre sur son site genealogie.com, l’éditeur NotreFamille.com vient de publier un communiqué annonçant un accord avec le département du Rhône sur la réutilisation des données publiques.
L’accord est fondé sur une délibération du 30 mars 2012 du conseil général du Rhône adoptant une licence-type pour répondre au cas de NotreFamille.com, société avec laquelle la collectivité a déjà eu des relations délicates devant la CADA en mai 2011.
« Dans le cadre légal, il apparaît judicieux de favoriser le plus large accès aux informations publiques que le département détient et de promouvoir ainsi une politique de réutilisation des informations publiques, y compris à des fins commerciales, fondée sur le principe de la gratuité (…) conformément aux avis de la CADA et à la recommandation de la CNIL, dans le strict respect des règles assurant la protection des données à caractère personnel », indique notamment la délibération explicitant ainsi la politique départementale en la matière.
La vente des données publiques : « un calcul vain » – « Comme tout le monde, on a fait de la résistance par rapport à la commercialisation des données, mais je pense que l’accord que nous avons signé s’inscrit dans le sens de l’histoire et ouvre la voie à d’autres », commente Patrick Pellas, directeur des affaires juridique du conseil général du Rhône.
Quant à la vente des données publiques, il estime que « c’est un calcul vain ». « Il nous faudrait employer et rémunérer deux agents à temps plein pour la commercialisation des données. Or, ça ne serait pas rentable et les Archives ont sûrement mieux à faire », affirme le directeur juridique du Rhône.
D’autant plus que, depuis le printemps 2011, le conseil général dispose d’un site Archives de pointe, dont l’état civil, à destination du grand public. Différence avec le site d’un opérateur privé qui permet l’accès direct à partir d’un nom, la recherche « publique » nécessite un cheminement plus complexe à travers les différends fonds.
Quoi qu’il en soit, pour Patrick Pellas, « le plus important reste le volet sanction de l’accord : si la présentation des données n’est pas conforme à la CNIL et à la CADA, il y aura la résiliation de la licence et l’engagement de poursuites ».
La responsabilité des archivistes – De son côté, l’Association des Archivistes Français (AAF), par la voix de son président, Xavier de la Celle, observe une neutralité certaine et se garde de tout commentaire sur le cas précis du Rhône : « nous n’avons pas de point de vue tranché car l’association est traversée par des clivages sur le sujet ».
Sauf sur les données sensibles (registres d’écrou, hôpitaux, recensement..) où il y a une position commune vigilante sur les risques à croiser les fichiers par les entreprises privées : « le danger potentiel existe au regard des enjeux de démocratie et de protection de la vie privée », prévient Xavier de la Celle.
Il tient à réaffirmer, après un détour par le rapport Ory-Lavollée, les positions de principe de l’AAF – qui n’est pas contre l’intervention du privé – sur la légitimité du rôle des archivistes dans la valorisation en ligne des documents et la défense du patrimoine comme bien culturel et non comme marchandise.
« Notre responsabilité est de garantir aux citoyens que les données personnelles soient bien protégées et que l’accès aux archives soient possible en mode collaboratif avec les particuliers, bénévoles, associations, chercheurs, plutôt que par des entreprises privées où les données sont réalisées (numérisées) à bas coût à Madagascar», explique le président de l’AAF.
Mauvais signe – Pour sa part, dans le prolongement de l’AAF et opposé à la décision du Rhône, Edouard Bouyé, directeur des Archives du Cantal, avance une analyse sans concession : « la décision du Rhône est un choix de département riche qui a agi vite avec l’objectif d’avoir la paix. Mais l’histoire n’est pas écrite entre respect et partage du patrimoine d’un côté et marchandisation des archives de l’autre».
Sur le plan technique, Edouard Bouyé estime que l’indexation par le privé des documents imprimés est souvent défectueuse et qu’elle risque de se révéler catastrophique pour les documents manuscrits. Sur le plan économique, il déplore le défaut de négociation commerciale et le mauvais signe donné par la licence gratuite alors que les finances des collectivités sont en berne : « il doit y avoir un coût à payer avec des tarifs proportionnés aux investissements techniques et aux moyens humains engagés pour la mise à disposition des données », dit-il, tout en pointant « le manque d’harmonisation » des textes de la CNIL, de la Cada – « pas compétente pour fixer les prix » – et du Code du patrimoine.
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Les données culturelles s'ouvrent de plus en plus à l'open data
Sommaire du dossier
- Vers la fin des redevances sur les données culturelles ?
- Trouver des business models autour des données culturelles : enjeu décisif des cinq prochaines années
- Interview de Bruno Ory-Lavollée, auteur du rapport « Partageons notre patrimoine »
- La difficile cartographie du domaine public culturel
- L’exception culturelle se glisse dans l’ère du numérique
- « Nous sommes dans une démarche proactive » – Jean-Philippe Legois, porte-parole du Forum des archivistes
- Le Rhône accorde une licence gratuite pour ses archives à NotreFamille.com
- Le point sur les intentions des archivistes avec Jean-Philippe Legois
- Les départements rédigent des licences