Une semaine après les avoir reçus séparément à Matignon, le Premier ministre avait réuni cette fois autour de la table les numéros un des cinq organisations syndicales représentatives – CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC – et des trois patronales – Medef, CGPME, UPA – pour fixer la méthode de la conférence de juillet. Le chef du gouvernement était entouré des ministres Michel Sapin (Travail), Arnaud Montebourg (Redressement productif), Marylise Lebranchu (Fonction publique) et Marisol Touraine (Affaires sociales).
La conférence sociale sera ouverte le 9 juillet par le président François Hollande, au Palais d’Iéna – et non à l’Elysée comme prévu initialement, a annoncé le ministre du Travail Michel Sapin.
Ce dernier a précisé que « la conférence sera conclue le lendemain par le Premier ministre qui devra dire quel est l’agenda précis, les matières, les méthodes de discussion, de négociation, de consultation et de concertation en fonction des sujets, mais aussi bien entendu annoncer le calendrier ».
Sept thématiques – Les thèmes retenus pour la conférence sociale sont au nombre de sept :
- l’emploi, en particulier l’emploi des jeunes s’agissant des contrats de génération, des emplois d’avenir, mais aussi le marché du travail et les licenciements ;
- le développement et l’acquisition des compétences, ce qui touche donc à la formation ;
- les systèmes de rémunération, qui toucheront donc au pouvoir d’achat, en particulier au smic et à son indexation [voir encadré ci-dessous], mais aussi aux négociations à enclencher sur les minima par branche, les bas salaires, les heures supplémentaires, l’intéressement, la participation et les salaires des dirigeants d’entreprises publiques ;
- le redressement de l’appareil productif national ;
- l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais aussi à tout ce qui touche à la qualité de vie au travail ;
- l’avenir des retraites et le financement de la protection sociale ;
- l’Etat, les puissances publiques (celle de l’Etat mais aussi des collectivités territoriales), les services publics et la fonction publique.
Chaque thème sera présidé par un ministre et par une personnalité reconnue pour sa compétence dans son domaine, « laquelle établira un premier diagnostic et apportera des éléments de jugement pour permettre et faciliter la discussion autour de ce thème ».
Qu’un début – Les choses ne font que commencer. Michel Sapin a tenu à rappeler que la conférence sociale n’est que le début d’un processus : « Le soir de la conférence sociale, tout commence : discussions, négociations et propositions du gouvernement. »
Evidemment de nombreux acteurs souhaitent être associés. C’est le cas des collectivités territoriales et notamment l’Association des régions de France (ARF), dont la présence à la conférence sociale est confirmée. L’association et le ministère du Travail ont d’ailleurs constitué cinq groupes de travail en vue de cet évènement social :
- sur l’apprentissage et l’alternance,
- sur l’Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa),
- sur la commande de formation,
- sur les accompagnements vers l’emploi et notamment la problématique de l’orientation,
- et sur le pilotage et la mise en œuvre des cartes de formation.
Ces groupes de travail seront coordonnés par Jean-Paul Denanot, le président de la commission formation de l’ARF.
De son côté, à l’issue de la rencontre avec le Premier ministre, le leader de la CGT Bernard Thibault a jugé « positive » la démarche du gouvernement, mais « les résultats s’apprécient au fil des décisions concrètes », a-t-il prévenu.
Décisions concrètes et immédiates – Selon lui, la conférence de juillet ne doit pas se conclure « uniquement par la décision d’ouvrir de nouveaux cycles de discussions » sur différents sujets « sans qu’on ait à l’horizon des dates plus précises pour des décisions concrètes et immédiates ».
« J’entends la partie patronale qui est prête à s’engager dans toute une série de discussions pourvu qu’on ne décide de rien », a-t-il lancé, appelant le gouvernement et le législateur à « prendre des décisions qui améliorent le quotidien des salariés ».
François Chérèque de la CFDT a demandé des « mesures urgentes », notamment « un plan national d’urgence de formation des demandeurs d’emploi » ou encore « le renforcement du chômage partiel », une utilisation ciblée et coordonnée des contrats aidés ainsi qu’un « renforcement des moyens de Pôle emploi ».
Bonnes pratiques des régions – L’Association nationale des apprentis de France (Anaf) précise dans un communiqué du 6 juin qu’elle souhaite que l’apprentissage fasse partie des sujets abordés. Elle salue d’ailleurs l’action des collectivités en la matière. Elle considère que « le gouvernement devrait mettre en œuvre un politique nationale sur la qualité des activités en entreprise, de la motivation en formation et de l’accompagnement des apprentis, qui s’appuie sur les bonnes pratiques des régions. A l’instar des résultats obtenus en Ile-de-France en matière de lutte contre les ruptures de contrat : moins de 3 000 en deux ans. »
Smic : très faibles marges de manoeuvre
Le coup de pouce au Smic, promis par François Hollande et très attendu par les organisations syndicales, doit rester modéré, selon les experts, pour ne pas peser sur l’emploi et les comptes publics. Ce coup de pouce bénéficierait immédiatement aux 1,6 million de salariés payés au Smic ou 2,5 millions en ajoutant les fonctionnaires et les intérimaires, soit près de 11 % des salariés. Une hausse du Smic pèserait fortement sur la dépense publique. Elle « alourdit arithmétiquement » la facture des exonérations de charges sur les bas salaires que compense chaque année l’Etat, explique à l’AFP Gilles Carrez (UMP), rapporteur général du Budget dans l’Assemblée nationale sortante. « 1 % d’augmentation, c’est 700 millions d’allègements en plus », « ce serait insensé », estime-t-il. En comptant les revalorisations de salaires des 890 000 fonctionnaires concernés, la facture atteindrait « 1 milliard », selon lui. Ce chiffre fait débat, plusieurs économistes estimant que le coût global serait plus proche de « quelques centaines de millions d’euros ».
Les experts insistent aussi sur l’effet d’une hausse du Smic sur la compétitivité et l’emploi. D’après Francis Kramarz, l’un des experts du groupe sur le Smic, une hausse de 1 % entraînerait la destruction de 1,5 % des emplois au salaire minimum, soit environ 25 000 emplois. Et les premières victimes seraient les jeunes.
Alors que deux syndicats (FO et la CGT) réclament une hausse de plus de 20% du Smic sur le quinquennat, Martin Hirsch, créateur du Revenu de solidarité active (RSA), plaide pour un relèvement de ce dispositif (qui permet de compléter les revenus des petits salaires), outil « plus efficace » et « mieux ciblé sur les bas salaires » que le Smic, selon lui. Le Smic « a été un bon outil contre les inégalités salariales », mais « il n’est pas l’outil adéquat pour lutter contre la pauvreté », acquiesce M. L’Horty, en notant que « les inégalités de revenus en France résultent de l’absence d’emploi » et des temps partiels subis.