Heu-reux ! L’enquête réalisée en collaboration avec le cabinet-conseil Pragma le prouve (1) : les agents territoriaux sont fiers et satisfaits de leur travail.
Pour près de huit d’entre eux sur dix, des années de discours dévalorisant la fonction publique n’ont pas entamé l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et de leurs missions.
Plus encore : ce corps bat d’un seul et même cœur pour le service public local, dont le rôle ne fait d’ailleurs même pas débat (rendre un service public de qualité, veiller à la bonne gestion de l’argent public, promouvoir l’intérêt général).
Ainsi, et dans un élan collectif qui transcende les âges, sexes, catégories et types de collectivité, le fait d’accomplir une mission de service public arrive en tête des principales satisfactions obtenues, avec 89 % d’opinions positives, devant l’intérêt du travail et la satisfaction des usagers.
Management à revoir – Toutefois, mesurant le pouls de ce grand corps professionnel, les chiffres révèlent aussi des maux plus ou moins « contagieux ». Parmi ceux-ci, la rémunération.
Plus de 63 % des répondants se déclarent insatisfaits de son montant, un taux qui atteint même 80 % parmi les agents de la catégorie C, qui placent ce point en tête de leurs attentes.
S’il conduit aussi à un clivage entre catégories et structures d’appartenance, le défaut de reconnaissance, notamment de la part des élus, s’inscrit également dans la liste des insatisfactions partagées.
Enfin, et cela donne matière à réflexion, la gouvernance est largement mise à mal. Ce ne sont pas l’organisation, les politiques de ressources humaines, les pratiques managériales ni le portage d’un projet politique qui facilitent le travail des agents, mais bien les relations humaines nouées avec leur hiérarchie directe, leurs collègues et/ou les usagers.
Ainsi, partagés entre l’enthousiasme, l’autonomie et le scepticisme, voire la critique, les territoriaux constituent des groupes d’opinion distincts, que l’étude du cabinet-conseil Pragma a pu identifier, selon la prédominance de l’un ou l’autre de ces traits dans leur travail quotidien.
1) L’emploi donne toute satisfaction
Alors que 73 % des territoriaux interrogés font de l’intérêt du travail leur motivation première, trente points devant toutes les autres propositions, 85 % d’entre eux le trouvent effectivement dans l’exercice quotidien de leurs fonctions.
Cette conjonction réussie explique sans doute le très bon niveau de satisfaction globale révélé par l’enquête, puisque 76 % des répondants se déclarent heureux de travailler pour leur collectivité, plus encore ceux des intercommunalités.
Au service du public – Il faut dire que les conditions d’exercice d’un métier territorial semblent plutôt favorables, les efforts de modernisation et d’équipement entrepris portant apparemment leurs fruits : ainsi, 58 % des agents estiment disposer du temps nécessaire et 68 % des moyens matériels suffisants pour réaliser correctement leurs missions, ceux de la filière administrative en tête.
Dès lors, plus de 60 % réfutent toute pression excessive, tant de la part des usagers que de leur hiérarchie directe, et ce même si le personnel en contact étroit avec les administrés (services sociaux, techniques…), ainsi que les cadres intermédiaires, sont plus nombreux à ressentir cette tension.
Sept sur dix se disent même satisfaits de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. 89 % sont comblés par l’exercice d’une mission de service public (dont 46 % sont très satisfaits !) et 84 % heureux de rendre service aux usagers. Ils sont trois sur quatre à se dire tout simplement fiers de travailler pour leur structure.
2) Un manque criant de reconnaissance
Les chiffres sont éloquents : pour un territorial sur trois, le niveau de satisfaction au travail a stagné au cours de l’année passée, un sur deux considère même qu’il a baissé !
Certes, le volet « rémunération », lourdement affectée par le gel du point d’indice depuis juillet 2010, n’est sans doute pas étranger à ce mécontentement. Le montant des traitements déçoit ainsi près de deux territoriaux sur trois (63 %), une déception générale mais nettement plus marquée chez ceux qui en faisaient leur principale attente, à savoir les agents de la catégorie C (80 %) ainsi que ceux issus des communes de moins de 5 000 habitants (74 %).
Equipes solidaires – Néanmoins, l’absence de reconnaissance pécuniaire n’est pas la seule ombre au tableau. Le défaut de reconnaissance humaine est également déploré, 57 % des répondants se disant frustrés du regard que les élus portent sur leur travail et 45 % ayant le même ressenti concernant l’attention portée par la hiérarchie aux tâches accomplies.
Les conseils généraux et conseils régionaux s’avèrent les plus visés, et les agents des catégories B et C les plus concernés. Ces derniers expriment la plus vive attente à ce sujet.
Dans cet univers âpre reste heureusement la solidarité : la qualité de l’ambiance au sein des équipes est au rendez-vous pour plus de 70 % des interrogés, tandis que le soutien des collègues arrive largement en tête des facteurs facilitant l’exercice professionnel au quotidien avec 75 % d’opinions positives, tous statuts et filières confondus.
3) La gouvernance à rude épreuve
Le constat est certainement amer pour nombre de managers : les territoriaux ne considèrent pas que le fonctionnement de l’institution (organisation, pratiques…) facilite le travail !
Carton rouge même pour le système d’évaluation et la politique de ressources humaines, qui recueillent respectivement 73 % et 69 % d’avis négatifs !
Et les items liés à la lecture « administrative » d’une gouvernance politique (cohérence des actions avec le projet, clarté des objectifs…) n’ont guère plus de succès (60 % à 65 % d’opinions défavorables), remportant de surcroît un taux d’abstention élevé (7 % et 8 %).
Incertitudes sur l’avenir – Seule la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, développée par les collectivités depuis plusieurs années, tire son épingle du jeu puisque « la bonne utilisation des compétences de chacun » est demandée par 60 % des interrogés.
Hélas, la réalité n’est pas à la hauteur des espérances : un sur deux, à peine, puise là une aide effective dans son travail au quotidien…
Un quotidien dont l’avenir semble par ailleurs fort incertain puisque, crise oblige, si 55 % des interrogés ont foi en leur avenir professionnel, seuls 37 % pensent bénéficier de perspectives au sein de leur collectivité actuelle.
Atteints par les discours et réformes qui bousculent l’univers territorial, sept territoriaux sur dix affichent le plus grand scepticisme quant à l’avenir du statut de la FPT. Agents de petite commune et conseil général, sur la sellette, partagent même la crainte d’un service public local démantelé.
4) La confiance de la hiérarchie reste attendue
Si les gouvernances, administrative comme politique, font l’objet d’une indiscutable défiance, la confiance de la hiérarchie directe se taille, elle, la part du lion parmi les composantes censées faciliter le travail.
En effet, plus de 60 % des personnes consultées la placent au tout premier rang de leurs attentes, tandis que deux territoriaux sur trois reconnaissent pouvoir quotidiennement s’appuyer sur elle pour bien remplir leurs missions.
Autonomie saluée – En effet, peu importe la qualité de la relation, primordiale pour seulement 17 % des répondants. L’essentiel est que, portés par cette confiance, plus de sept agents sur dix saluent l’autonomie et l’initiative dont ils bénéficient dans l’organisation de leur travail, 85 % de ceux en poste dans les intercommunalités s’en félicitant même.
Or cette autonomie est largement recherchée, inscrite au même rang d’importance que l’est la rémunération au tableau des motivations principales ! Et, conscients que la liberté n’existe que dans un cadre défini, 40 % des personnes interrogées attendent des règles et procédures claires qui leur offrent les marges de manœuvre souhaitées, dès lors qu’est garantie une bonne utilisation de l’expertise de chacun.
Elles sont d’ailleurs sept sur dix à classer l’acquisition de nouvelles compétences au rang des principales satisfactions obtenues. Ceci est sans doute à mettre au profit d’une décentralisation qui, en diversifiant sans cesse les champs de compétences locaux, induit une formation tout au long de la carrière.
Cet article fait partie du Dossier
Conditions de travail, valeurs, perspectives… : 7000 territoriaux répondent
Sommaire du dossier
- Conditions de travail, valeurs, perspectives… : ce que pensent les territoriaux
- Un plébiscite pour le service public
- Territorial et fier de l’être : premiers enseignements
- Quatre profils-types
- Des cadres A pas si différents
- Et si les salariés du privés étaient plus optimistes ?
- Le management : le grand perdant
- Analyse détaillée et résultats complets
- Conditions de travail – Des agents territoriaux mal dans leur peau
Thèmes abordés
Notes
Note 01 La méthode de l’enquête : La consultation a été réalisée pour La Gazette par le cabinet conseil en relations humaines Pragma. Elle s’est déroulée du 17 janvier au 3 février par voie directe et anonyme sur internet (sollicitation par e-mailing et questionnaire accessible sur notre site). Sans prétendre à une représentativité exhaustive (légère surreprésentativité des catégories A et de la filière administrative, sous-représentativité des jeunes), un panel de 7 300 répondants spontanés dont le questionnaire était pleinement exploitable a ainsi été constitué. Retour au texte