Trois mois de travail, un rapport de 534 pages et huit propositions : la Commission Energies 2050 mise en place à l’automne 2011 pour « analyser les différents avenirs possibles de la politique énergétique de la France à l’horizon 2050 » a remis lundi 13 février 2012 le fruit de ses réflexions au ministre de l’Energie Eric Besson.
Après avoir, en particulier, examiné quatre scénarios sur l’offre d’électricité, d’une accélération du programme nucléaire à son arrêt, en passant par une prolongation de l’exploitation du parc existant et une réduction progressive de celui-ci, les experts estiment que « la prolongation de la durée de vie du parc actuel paraît la meilleure solution » et ils préconisent « le maintien d’une perspective de long terme pour cette industrie ».
Un pluralisme pro-nucléaire ? – Une proposition conforme aux vœux répétés depuis plusieurs semaines par le ministre. Il annonce donc qu’il « faut préparer la prolongation du parc actuel au-delà de 40 ans et engager la construction d’un 2e EPR (à Penly, ndlr) ».
Et Eric Besson salue un travail « d’experts indépendants, élaboré de manière pluraliste, permettant de prendre position » dans la perspective de la prochaine Programmation pluriannuelle des investissements (PPI), qui devra être présentée en 2013 au Parlement.
Pluralisme, alors que nombre d’associations et d’ONG sollicitées ont refusé de participer à une mission qu’elles jugeaient partisane car menée par des experts pro-nucléaires ?
Une « large consultation » sans les collectivités – La commission a auditionné quelque 80 organismes (syndicats, entreprises, consommateurs, etc.), objecte le ministre. Mais, alors qu’il avait annoncé « un exercice de large consultation » afin de « l’éclairer » sur l’avenir énergétique du pays, il n’y a, étrangement, pas un représentant de collectivités territoriales dans la liste des participants.
« Je suis maire et, en tant que tel, je n’ai pas à être consulté pour savoir s’il faut construire un EPR ou pas, rétorque Eric Besson. Autant la mise en œuvre d’une politique énergétique au niveau, par exemple, des économies d’énergie relève des collectivités locales, autant une PPI n’en relève pas. »
Illustration d’une conception centralisée de la question de l’énergie, aux antipodes de l’approche de l’association négaWatt, qui a présenté il y a quelques semaines son projet.
« Un rapport de myopes » – La commission « n’a fait aucune analyse sérieuse des possibilités de réduire la consommation d’énergie, fustige le président de négaWatt, Thierry Salomon. Avoir une vraie transition énergétique, c’est s’intéresser à l’ensemble des évolutions de la société. Là, nous n’avons aucune vision globale, c’est un rapport de myopes. »
Proche de cette mouvance, le président de l’association Global Chance Benjamin Dessus dénonce, lui, une « manipulation » visant notamment à éluder la question des économies d’énergie, alors qu’il s’agit « d’une composante majeure des stratégies alternatives à la poursuite du nucléaire ».
« Si vous décidez par avance que l’offre et la demande ne peuvent qu’augmenter, le nucléaire est effectivement bien placé, mais ce n’est plus vrai si vous commencez à faire des économies », assure cet économiste qui avait refusé de siéger dans cette commission en tant qu’expert.
L’efficacité énergétique, « grande cause nationale » – De leur côté, les membres de la commission Energies 2050, en qualifiant le projet négaWatt de « véritable révolution sociétale », jugent une baisse drastique de la consommation, telle qu’envisagée par négaWatt, « pas très réaliste ».
Ils se défendent toutefois de minorer le rôle des économies d’énergie. Le président de la commission, l’universitaire Jacques Percebois, souligne ainsi que la proposition n°1 du rapport demande à ce que la sobriété et l’efficacité énergétiques soient consacrées « grande cause nationale ». Et il déplore que l’ensemble du travail effectué par ses collègues et lui-même « soit ramené au sujet nucléaire ».
De même, le vice-président de la commission, Claude Mandil, précise que les experts « ne se sont pas limités au nucléaire et à l’électricité, loin de là ». Et qu’ils préconisent de maîtriser la demande dans les secteurs du bâtiment et des transports.
Les collectivités championnes des économies d’énergie – « Il est absolument nécessaire d’impliquer les collectivités territoriales dans la mise en œuvre de l’efficacité énergétique », assure enfin Jacques Percebois.
D’ailleurs, lit-on dans le rapport, « beaucoup des politiques envisagées vont impliquer de manière croissante les collectivités locales et en particulier les municipalités ».
Lesquelles n’ont en revanche, selon le point de vue de l’actuel locataire du ministère de l’Energie, manifestement pas leur mot à dire en matière de ‘‘grandes orientations’’…
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