Seules deux des 9 organisations non gouvernementales (ONG) sollicitées par le ministre de l’Industrie Eric Besson pour siéger à la commission Energies 2050, lancée le 6 septembre 2011 pour envisager l’avenir énergétique de la France, ont accepté l’invitation.
Sauvons le Climat (SLC) entend y « défendre une approche favorable au nucléaire parce qu’en l’état des technologies actuelles disponibles, on ne voit pas de moyens d’y échapper si on veut atteindre les objectifs climatiques », explique son président, Jacques Masurel. « Reste à déterminer sa part, mais elle doit demeurer très importante », complète-t-il.
L’association de défense des consommateurs UFC Que Choisir a aussi dit oui, mais plutôt par curiosité, en l’absence de toute précision sur un programme de travail ou même un simple calendrier.
« De l’affichage politique » – Les sept autres ont donc décliné la proposition. D’abord, parce qu’elles considèrent que « développer une réflexion sur la politique énergétique de demain mérite mieux qu’un groupe de travail de trois mois (la commission doit remettre son rapport en janvier, ndlr) », résume le responsable climat-énergie de la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), Benoît Faraco.
« C’est de l’affichage et il n’est pas question de cautionner une opération de pure communication politique », renchérit le directeur des programmes de conservation de WWF France, Jean-Stéphane Devisse. En précisant toutefois que son ONG « acceptera d’être auditionnée par la commission si elle y est invitée, pour proposer son propre modèle ».
« On aurait eu l’impression de perdre notre temps, ajoute le directeur du Comité de liaison énergies renouvelables (CLER), Raphaël Claustre. Des groupes de travail, il y en a beaucoup, mais quand on en voit les résultats… » « Et notre scénario, c’est celui de NégaWatt », entonnent, avec lui, en chœur, France Nature Environnement (FNE), Réseau Action Climat (RAC) et bien sûr NégaWatt. Dont le président, Thierry Salomon, est disposé à « verser au bien commun » le scénario énergétique élaboré par son association et rendu public le 29 septembre, « le fruit d’un travail de 14 mois effectué par une dizaine de personnes ».
D’un modèle centralisé à décentralisé – Ce scénario imagine « un système énergétique français presque totalement dé-carboné malgré un arrêt maîtrisé et cohérent de toute production d’électricité nucléaire en 2033 ». Et ce, grâce à « un triptyque sobriété énergétique, efficacité énergétique et développement des énergies renouvelables » qu’approuve la présidente de RAC, Sandrine Mathy. Et elle s’interroge : « Quand la France sortira-t-elle d’une politique de l’énergie centralisée pour passer à un modèle décentralisé, fondé sur la satisfaction des besoins, et partant donc des territoires ? »
« Les collectivités doivent être plus entendues, car elles sont des actrices de la production d’électricité de demain », insiste Thierry Salomon. Le président de SLC Jacques Masurel le pense aussi… mais pour une autre raison : « Une centrale nucléaire est une richesse pour une région par l’activité et les emplois qu’elle crée », juge-t-il.
Dialogue de sourds – Le ministre Eric Besson, dont le cabinet a tenté ces derniers jours de convaincre les ONG d’accepter de se mettre autour de la table, aura beau jeu de relever le refus de dialogue de ses opposants, alors même qu’il propose des scénarios envisageant, certes une prolongation de la durée de vie du parc nucléaire actuel, une accélération de sa modernisation ou une réduction de sa part dans le mix énergétique, mais aussi une sortie progressive du nucléaire.
Or, deux experts partisans de l’arrêt du nucléaire, Benjamin Dessus et Bernard Laponche, ont décliné l’offre qui leur a été faite d’intégrer la commission. « Tout ça ne nous paraissait pas sérieux, commente Bernard Laponche. On n’accomplit pas en si peu de temps un vrai travail de fond de prospectiviste consistant à balayer tous les scénarios. »
Pas de ‘‘photo de famille’’ – Moins radicale que Greenpeace, qui justifie son refus de participer à la commission en accusant les personnalités qualifiées qui en sont membres (des économistes, des consultants, un ancien P-DG d’EDF…) d’être des « pro-nucléaires notoires », Sandrine Mathy ne jette pas la pierre à ces derniers. Mais elle estime que lancer un tel débat à quelques mois de l’élection présidentielle était « de toute façon biaisé d’avance ». Et, « pas dupe des objectifs hautement politiques » et donc conjoncturels du ministre, elle sait bien que les ONG favorables à une sortie du nucléaire, en boycottant Energies 2050, privent Eric Besson d’une inattendue et donc improbable ‘‘photo de famille’’…
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Le nucléaire français en questions
Sommaire du dossier
- Le nucléaire français en questions
- La commission Energies 2050 fait pschitt !
- Un parc jeune et néanmoins sur la sellette
- Le risque nucléaire : une affaire d’Etat, pas celle des collectivités ?
- Centrales nucléaires : les collectivités face à la prévention des risques
- Fessenheim : tout est possible ! – Décryptage de l’avis de l’ASN
- Jean-Marie Chevalier : « Les territoires offrent un gisement prodigieux de ressources énergétiques »
- L’échelon communal pas pertinent pour choisir un site de stockage de déchets radioactifs
- Jacques Maugein (Association nationale des CLI) : « Ce que dit M. Fillon me paraît ridicule »
- Nucléaire : 2 spécialistes analysent la réserve des collectivités
- Jean-Marc Jancovici : « Climat : mettre en place une économie de guerre »
- Nucléaire : les tours de passe-passe du gouvernement