C’est un travers que l’on ne cesse de dénoncer. Les textes écrits dans l’urgence pour régler des situations particulières prolifèrent… au détriment de la lisibilité du droit. L’ordonnance n° 2016-488 et le décret n° 2016-491, du 21 avril dernier, ne font pas exception à la règle. Ces deux actes, pris par le gouvernement parce que le droit positif ne permettait pas de réaliser un référendum local dans les conditions particulières de Notre-Dame-des-Landes, créent et encadrent une procédure de consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.
Deux jours plus tard, un nouveau décret convoquait les électeurs de Loire-Atlantique pour une consultation sur le projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique. Elle sera organisée le 26 juin prochain, avec pour question : « Etes-vous favorable au projet de transfert de l’aéroport Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? »
Des autorisations définitives ?
Cette consultation peut sembler politiquement appropriée dans ce cas précis. Elle présente cependant plusieurs difficultés juridiques.
Notamment le problème de la sécurité juridique. La possibilité de recourir à cette procédure, offerte par l’ordonnance et le décret du 21 avril – qui prévoient la possibilité pour l’Etat de consulter les électeurs d’une aire territoriale déterminée à propos de tout projet d’infrastructure ou d’équipement susceptible d’avoir une incidence environnementale, qu’il envisage d’autoriser ou de réaliser -, s’appliquera au-delà du cas de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Ainsi, d’autres projets d’aménagement pourraient être remis en cause par ces « nouveaux référendums », alors que leurs autorisations étaient devenues juridiquement définitives.
Une autre question se pose concernant les effets juridiques de cette consultation sur la poursuite des travaux de Notre-Dame-des-Landes. Si les résultats de la consultation locale – qui n’a pas de valeur juridique contraignante – incitent l’Etat à faire marche arrière sur le projet, quelles seront ses marges de manœuvre ? Ne pas donner suite au projet malgré les autorisations administratives déjà actées ? Ou chercher à les abroger, voire tenter de les retirer ?
Simplification du complexe
Seules les relations contractuelles, nouées sur la base de ces autorisations et rompues à la suite de la consultation, seront en pratique de nature litigieuse. La réponse sera alors une indemnisation, décidée à l’amiable ou par la justice, en application de la « sanction » des volte-face administratives, et sur le fondement de l’indemnisation intégrale du préjudice subi, allant du manque à gagner jusqu’à la perte d’une chance.
Il y a donc un recul de la sécurité juridique. Même pas justifié par un progrès du dialogue environnemental. Le fait de demander à la population de se prononcer, par un choix binaire oui-non, sur une question complexe, apaisera-t-il les tensions ? L’avis des citoyens sera-t-il suffisamment éclairé, alors qu’ils n’auront même pas accès à toute l’information disponible ?
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