C’est un nouveau carton jaune pour les centres de gestion. Après un rapport de l’inspection générale de l’administration sur l’organisation et les missions rendu public l’été dernier, la Cour des comptes consacre une partie de son rapport public annuel à ces établissements publics locaux. Ces derniers se sont « écartés de leurs missions historiques de vecteur de l’unification de la FPT pour devenir des plateformes de mutualisation de certaines prestations de service à destination des petites collectivités sans tenir compte, ni de l’offre publique ou privée existante, ni des règles de la commande publique », souligne-t-on dans le rapport.
Interprétation extensive – La Cour invite ainsi les CDG à se recentrer sur leur cœur de métier. Elle déplore l’interprétation extensive de la possibilité pour les centres de gestion de proposer des missions facultatives. L’assistance à l’archivage communal ainsi que le conseil juridique sont notamment pointés du doigt. Parfois, les collectivités bénéficiaires de prestations juridiques s’adressent directement aux centres de gestion, au mépris des obligations générales de publicité et de mise en concurrence, selon le rapport.
En réponse aux critiques de la Cour des comptes, les centres de gestion examinés (neuf centres de gestion ont été examinés pour ce rapport à vocation nationale : Rhône, Puy-de-Dôme, Ain, Savoie, Haute-Savoie, Isère, Drôme, Ardèche, Loire) invoquent le fait que la mutualisation entre collectivités est désormais reconnue au niveau communautaire et organisée par le droit national. Et ce principe ayant présidé lors de la création des CDG, et compte tenu de la théorie du « in house », les collectivités peuvent se passer de publicité et de mise en concurrence pour faire appel aux prestations des centres.
Recul des services de l’Etat – Si le marché concurrentiel était abondant, « comment expliquer que 220 employeurs territoriaux du Rhône adhèrent à ce service facultatif ? » s’insurge aussi la présidente du CDG du Rhône dans sa réponse écrite, vantant les avantages de la mutualisation du coût pour les collectivités.
Enfin, pour les centres de gestion, les missions facultatives développées par eux répondent aux demandes des collectivités, parfois depuis de nombreuses années, « dans le contexte actuel de recul des services de l’Etat ».
Le rapport recommande donc de préciser l’article 25 de la loi du 26 janvier 1984 qui porte sur les missions facultatives. Une préconisation à laquelle le ministère des Finances indique souscrire. Les ministères de l’Intérieur et de la Décentralisation, qui font une réponse écrite commune, estiment de leur côté que « les missions effectivement exercées par les centres de gestion et qui ne devraient pas l’être ne trouvent pas leur explication dans une rédaction peu précise de l’article 25 qui semble d’ores et déjà laisser peu de marges d’interprétation ».
Ressources abondantes, très supérieures aux besoins – La deuxième principale critique de la Cour des comptes a trait aux excédents dégagés par les CDG : « Le développement des missions facultatives et des prestations de services, associé à des missions obligatoires financées par une cotisation obligatoire généralement fixée à son taux maximum (0,8 % de la masse salariale), ont conduit les centres de gestion à dégager des ressources abondantes, très supérieures à leurs besoins. » Elle déplore « la persistance d’un financement globalisé des missions due à une comptabilité analytique insuffisante » (70 % de taux de déploiement dans les CDG).
Le rapport préconise que les centres modulent le taux de cotisation, et évoque la possibilité de ne plus adosser ce dernier à la masse salariale. Pour la Cour, le stock de ces excédents et leur augmentation régulière « contrastent avec les efforts demandés aux collectivités et la situation financière tendue de certaines d’entre elles ».
L’IGA avait aussi souligné « un manque préjudiciable de transparence sur les questions budgétaires » et préconisé une baisse des cotisations et une modification de l’assiette.
Dans sa réponse à la Cour, Bercy explique partager la recommandation d’une modulation du taux de cotisation, proposition qui, « dans un contexte de recherche d’économies et de maîtrise des finances publiques, permettrait de réduire les charges des collectivités sans porter atteinte aux équilibres financiers des centres de gestion ».
De son côté, les ministères de l’Intérieur et de la Fonction publique rappellent que les conseils d’administration des CDG, composés de représentants des élus locaux, ont compétence pour décider de la modulation du taux, et que les centres de gestion « disposent de tous les outils juridiques pour fixer leurs besoins financiers et participer à l’effort de maîtrise des finances publiques ».
Ils formulent une autre proposition : imposer la présentation, par le président du CDG, d’un rapport sur l’évolution prévisionnelle et l’exécution des dépenses et des effectifs ainsi que sur la gestion de la dette avant l’examen du budget du centre de gestion.
Quant à la possibilité de déconnecter le taux de la masse salariale, la réforme ne semble pas dans les projets. Cette piste doit selon ces ministères « faire l’objet d’une étude complémentaire, afin d’éviter la mise en œuvre d’une procédure trop complexe et déstabilisante pour les centres de gestion ».
Projets d’investissement et nouveaux services – Les CDG indiquent de leur côté que ces mannes financières leur permettent de mener à bien des projets d’investissement, tels que de nouveaux locaux, et de proposer de nouveaux services. Ils insistent sur les missions nouvelles qui leur ont été confiées, comme les instances médicales notamment.
Certains CDG ont enfin déjà décidé d’opérer une baisse de la cotisation, en Ardèche et dans la Loire (0,75 % de la masse salariale) et dans la Drôme (0,70 %) par exemple.
Lacunes dans l’analyse prospective – Le rapport souligne enfin des lacunes dans l’analyse prospective de l’emploi public territorial. « Les différents travaux réalisés ne rendent pas compte de façon prospective des effectifs et jouent un rôle modeste en matière de gestion prévisionnelle des ressources humaines des collectivités », un constat déjà mis en avant dans le rapport public annuel de la Cour en 2012.
L’organisation territoriale en débat
La Cour se prononce en faveur d’une régionalisation pour les centres de gestion, relevant que « l’échelon départemental est de moins en moins pertinent ». « Le développement de coordinations régionales permet des économies d’échelle et l’échelon régional apparaît pertinent pour certaines missions », souligne-t-on.
Un scénario évoqué également dans le rapport de l’inspection générale de l’administration.
Dans sa réponse écrite, l’Ardèche insiste sur l’efficacité de l’échelon du département, citant le cas du CNFPT Drôme-Ardèche qui a « conduit à éloigner les fonctionnaires de la formation ». Pour ce CDG, la proposition, « une fois de plus, renforcerait l’inégalité entre territoriaux d’un département à un autre ».
Le rapport évoque également l’échelon de l’intercommunalité comme pertinent pour assumer certains aspects de la gestion des agents des communes membres. Là encore, la proposition est loin de faire l’unanimité. Pour le CDG de la Loire, cela risquerait d’introduire des iniquités entre les agents. L’établissement public local prône l’adhésion de toutes les collectivités du département à un bloc insécable rénové, proposition figurant dans le rapport de l’IGA.
Désaffiliation massive à craindre – Le centre de gestion du Rhône insiste de son côté sur le fait que le projet de loi Notre – qui prévoit de relever le seuil de constitution des intercommunalités – « porte les germes d’une désaffiliation massive de futurs grands EPCI susceptibles de porter atteinte à l’unicité de la FPT dans l’application du statut dont les centres de gestion sont aujourd’hui les meilleurs garants ». « Les CDG gèrent, au niveau national, 50 % des agents territoriaux employés dans 98 % des collectivités et établissements publics locaux. La baisse de ce chiffre conduirait inéluctablement à un développement de pratiques « hétérogènes » et à une décrédibilisation certaine de la FPT et de la décentralisation », ajoute-t-il.
Le centre de gestion de la Haute-Savoie dit aussi s’étonner « que l’on demande aux centres de gestion de s’inscrire dans un cadre territorial élargi alors qu’à l’issue de la réforme territoriale, actuellement en débat au Parlement, il subsistera 3 académies, 3 ressorts de tribunal administratif, et 3 délégations du CNFPT sur la future région Rhône-Alpes-Auvergne, ce qui induira inévitablement des coûts supplémentaires eu égard aux complexités administratives engendrées et aux difficultés à unifier les orientations stratégiques ».
Le ministère se borne lui à indiquer qu’« une réflexion sur l’évolution de l’organisation territoriale des centres de gestion devra être conduite dans le cadre de la réforme territoriale ».
Références
Cet article fait partie du Dossier
Rapport 2015 de la Cour des comptes : pour une gestion publique plus rigoureuse
Sommaire du dossier
- Rapport 2015 de la Cour des comptes : pour une gestion publique plus rigoureuse
- Centres de gestion : la Cour des comptes préconise une modulation du taux de cotisation
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