Après « l’effet wahou » de la mise à disposition de Chat GPT et autres IA génératives, les acteurs publics mesurent de mieux en mieux les capacités et les limites de ces outils, mais aussi les conditions – démocratiques, techniques, organisationnelles… – à réunir pour les insérer dans le service public.
Le groupe de réflexion Le Sens du Service public et la Fondation Jean-Jaurès ont réuni 14 experts pour identifier le potentiel, les risques, et les conditions d’une IA respectant les principes de l’action publique, les droits des usagers et des agents publics et les pré requis techniques.
« C’est un modèle d’IA d’intérêt général qu’il convient de bâtir », proposent Emilie Agnoux et Johan Theuret, co-fondateurs du Sens du service public, dans l’introduction du rapport, qu’ils ont coordonné.
« L’IA interroge le rapport à la puissance publique, les droits des citoyens et la place des acteurs privés fournisseurs de solutions numériques », ajoutent-ils, en alertant : « le technosolutionnisme et la tentation de n’aborder l’IA que sous l’angle des potentiels gains de productivité n’intègre pas, d’une part, le coût réel du déploiement et de la maintenance de ce type de technologies et, d’autre part, n’apprécie pas le risque de perte de maîtrise publique dans la conduite des affaires d’intérêt général ».
Nouvelle doctrine de l’action publique
« L’automatisation de l’administration nous oblige à refonder une doctrine de l’action publique et à actualiser le cadre conceptuel », proposent-ils. Tâche à laquelle se sont attelés les 14 experts réunie pour ce rapport, qui ont observé l’IA dans la sphère publique sous toutes ses facettes.
De cette observation, ressortent 15 propositions qui peuvent servir de guide pour les décideurs publics, afin de ne pas subir la technologie, mais choisir ses champs d’intervention. Il s’agit, dans un premier temps de « connaître et former », « d’encadrer », puis de « décider », les auteurs défendant la conception d’une « véritable stratégie politique de l’IA à l’échelle européenne, nationale et locale ».
- Obliger à l’adoption de stratégies politiques et de doctrines claires de mobilisation de l’IA dans l’action publique ;
- Désigner des entités référentes pour piloter la stratégie IA ;
- Renforcer la recherche publique pour une IA d’intérêt général ;
- Garantir le caractère inclusif des IA utilisées dans les services publics ;
- Former systématiquement, et en préalable à la mobilisation des outils d’IA, les élus et les agents publics à l’usage, à la compréhension et aux limites de l’IA ;
- Rendre effective la supervision humaine dans tous les processus assistés par IA ;
- Rendre effective l’obligation d’information des citoyens en cas de recours à des processus algorithmiques et expliciter leurs finalités ;
- Favoriser l’usage de modèles d’IA frugaux et de petite taille dans les services publics ;
- Investir dans la création de modèles d’IA souverains et ouverts adaptés aux besoins publics ;
- Protéger strictement les données publiques utilisées dans l’entraînement ou le fonctionnement des IA ;
- Imposer des études d’impacts environnementaux, éthiques et sociaux, avant tout déploiement d’IA :
- Systématiser des dispositifs pérennes de participation citoyenne autour des usages de l’IA ;
- Créer un observatoire public indépendant de l’usage de l’IA dans les administrations ;
- Inclure des clauses environnementales et sociales dans tous les marchés publics liés à l’IA ;
- Identifier et protéger les compétences humaines stratégiques menacées par l’automatisation.
Références
- Le service public à l’épreuve de l’intelligence artificielle, juillet 2025, Fondation Jean-Jaurès, Le Sens du Service public
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