Réponse du ministère de la Justice : Le I de l’article 56 de la loi n° 2016-1547 du 28 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (ci-après « loi J21 ») a déjudiciarisé la procédure de changement de prénom prévue à l’article 60 du code civil, qui relevait de la compétence du juge aux affaires familiales, pour la confier aux officiers de l’état civil.
Les circulaires de présentation de l’article 56 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, respectivement en date des 17 février et 10 mai 2017 présentent, pour la première, la nouvelle procédure de changement de prénom dans sa phase déjudiciarisée devant l’officier de l’état civil, et, pour la seconde, la procédure dans sa phase judiciaire, en cas de contentieux, devant le juge aux affaires familiales.
Le demandeur qui souhaite modifier son prénom doit déposer une demande auprès de l’officier de l’état civil de son lieu de résidence ou du lieu où son acte de naissance a été dressé. L’officier de l’état civil qui reçoit cette demande doit, s’il estime qu’elle ne revêt pas d’intérêt légitime, saisir le procureur de la République à qui il revient d’apprécier l’existence d’un tel intérêt. Si le procureur de la République décide de s’opposer au changement de prénom sollicité, il notifie une décision motivée en ce sens au demandeur (circulaire du 17 février 2017, page 16), qui peut contester cette décision en saisissant le juge aux affaires familiales afin qu’il statue sur la demande de changement de prénom, dans le cadre d’une procédure judiciaire.
L’exigence d’un intérêt légitime est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, qui, si elle considère que le droit à voir modifier son prénom relève du droit au respect de la vie privée protégé par l’article 8 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’homme, admet que la préservation du principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, de la garantie de la fiabilité et de la cohérence de l’état civil et, plus largement, de l’exigence de sécurité juridique, relève de l’intérêt général et justifie la mise en place de procédures rigoureuses dans le but notamment de vérifier les motivations profondes d’une demande de changement légal d’identité, sous réserve que celle-ci prenne en compte la situation concrète des intéressés et permette une modification du prénom dans un délai raisonnable (CEDH, S.V. c. Italie, 11 janvier 2019, n° 55216/08, §58 à §75).
La justification d’un intérêt légitime peut reposer sur des pièces de toute nature.
Si la circulaire du 17 février 2017 énumère différents types de pièces susceptibles d’être produites, ce n’est qu’à titre illustratif, en prenant le soin de rappeler que les pièces mentionnées le sont « à titre indicatif et non cumulatif ». Comme le rappelle la circulaire du 17 février 2017, l’intérêt légitime doit être apprécié « en fonction des circonstances particulières de chaque demande » (page 13), et « de manière concrète (..) » (page 18).
La circulaire présente un panorama de la jurisprudence dégagée par les juges aux affaires familiales en matière de changement de prénom, dans le cadre des dispositions antérieures de l’article 60 du code civil. C’est à ce titre qu’est mentionnée, comme constituant un intérêt légitime au changement de prénom, « la volonté de mettre en adéquation son apparence physique avec son état civil » (page 20).
La circulaire souligne par ailleurs qu’une demande de changement de prénom ne peut être rejetée au seul motif que l’intéressé n’aurait antérieurement introduit aucune procédure de modification de la mention du sexe dans les actes de l’état civil et que le changement de prénom peut constituer l’une des étapes conduisant au changement de sexe de l’intéressé (p. 13).
Ainsi, ni la loi ni la circulaire ne renvoient à l’apparence physique du demandeur ou ne font intervenir celle-ci dans l’appréciation du motif légitime. Il en est de même s’agissant du motif d’« usage prolongé ».
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