RĂ©ponse du ministère de la Justice : Le droit d’exercer un recours juridictionnel Ă l’encontre de toute dĂ©cision administrative a Ă©tĂ© consacrĂ© comme principe gĂ©nĂ©ral du droit par la dĂ©cision d’assemblĂ©e du Conseil d’Etat du 17 fĂ©vrier 1950, Ministre de l’Agriculture c./ Dame Lamotte. Il implique que toute dĂ©cision administrative peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, mĂŞme lorsqu’aucun texte ne le prĂ©voit, et que toute dĂ©cision juridictionnelle rendue en dernier ressort peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation (CE, Ass., 7 fĂ©vrier 1947, d’Aillières).
Ce droit a par la suite Ă©tĂ© Ă©levĂ© au rang de principe Ă valeur constitutionnelle, le Conseil constitutionnel le rattachant Ă l’article 16 de la DĂ©claration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (dĂ©cision n° 2014-387 QPC du 4 avril 2014). Il est aujourd’hui Ă©galement garanti en droit international par la Convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertĂ©s fondamentales, qui prĂ©voit Ă son article 13 que le droit Ă un recours effectif doit ĂŞtre garanti devant les instances nationales (CEDH, 26 octobre 2000, Kudla c./ Pologne) et par la Cour de justice de l’Union europĂ©enne qui considère que l’existence d’un contrĂ´le juridictionnel constitue la traduction « d’un principe gĂ©nĂ©ral du droit qui se trouve Ă la base des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres » (CJUE, 15 mai 1986, Marguerite Johnson, aff. 222-84).
Ainsi, le droit Ă l’exercice d’un recours juridictionnel effectif constitue un principe solidement ancrĂ© dans notre droit. Comme toute dĂ©cision administrative, la dĂ©libĂ©ration d’un conseil municipal (art. L. 2121-29 du code gĂ©nĂ©ral des collectivitĂ©s territoriales) peut faire l’objet d’un recours juridictionnel devant le juge administratif dans les conditions prĂ©vues Ă l’article R. 421-1 du code de justice administrative.
Ce contrĂ´le juridictionnel est le corollaire du principe de libre administration des collectivitĂ©s territoriales, qui implique que si les collectivitĂ©s locales s’administrent librement par un conseil Ă©lu, ce n’est qu’Ă la condition que leurs dĂ©cisions soient conformes aux normes supĂ©rieures, dans le respect du principe de lĂ©galitĂ©. Ce contrĂ´le juridictionnel constitue en outre une garantie pour la libre administration de ces collectivitĂ©s et l’une des mesures fondatrices de l’acte I de la dĂ©centralisation.
Au rĂ©gime de tutelle du prĂ©fet sur les communes, caractĂ©risĂ© par un contrĂ´le de la lĂ©galitĂ© et de l’opportunitĂ© des dĂ©cisions communales, la loi du 2 mars 1982 a substituĂ© un contrĂ´le de lĂ©galitĂ©, exercĂ© par le juge administratif, dont la saisine peut ĂŞtre effectuĂ©e par le prĂ©fet dans le cadre du dĂ©fĂ©rĂ© prĂ©fectoral.
Toutefois, afin que les communes puissent exercer leurs compĂ©tences en respectant le principe de sĂ©curitĂ© juridique, qui garantit la stabilitĂ© des situations juridiques, le droit au recours juridictionnel est encadrĂ© par des règles de recevabilitĂ©. Le recours formĂ© par un tiers contre une dĂ©libĂ©ration n’est ainsi recevable qu’Ă condition que ce dernier justifie d’un intĂ©rĂŞt Ă agir. Ainsi que l’indiquait J. ThĂ©ry dans ses conclusions dans l’affaire Damasio (CE, sect., 28 mai 1971), le requĂ©rant « doit Ă©tablir que l’acte attaquĂ© l’affecte dans des conditions suffisamment spĂ©ciales, certaines et directes. ». Les particuliers peuvent invoquer diverses qualitĂ©s pour Ă©tablir l’intĂ©rĂŞt Ă agir contre les actes des autoritĂ©s locales et notamment la qualitĂ© de voisin ou de propriĂ©taire, d’Ă©lecteur ou de rĂ©sident.
Par ailleurs, et conformĂ©ment aux règles gĂ©nĂ©rales de recevabilitĂ© du recours pour excès de pouvoir, la demande d’annulation d’un acte local doit ĂŞtre introduite dans un dĂ©lai de deux mois, en vertu des dispositions de l’article R. 421-1 prĂ©citĂ©. Le dĂ©lai de droit commun de deux mois permet Ă©galement de concilier le principe de lĂ©galitĂ© et le principe de sĂ©curitĂ© juridique. Si le lĂ©gislateur a pu prĂ©voir des règles de recevabilitĂ© dĂ©rogatoires, en matière d’intĂ©rĂŞt Ă agir (art. L. 600-1-2 du code de l’urbanisme) ou de dĂ©lai de recours, ces dispositions visent Ă rĂ©gir des matières particulières qui, en raison des impĂ©ratifs de sĂ©curitĂ© juridique, nĂ©cessitent un encadrement des recours plus strict.
Pour autant, le juge administratif dispose d’outils permettant d’accĂ©lĂ©rer le traitement des recours. Notamment, l’article R. 222-1 du code de justice administrative lui permet de rejeter certaines requĂŞtes manifestement irrecevables ou infondĂ©es. L’article R. 611-11-1 lui permet Ă©galement de fixer un calendrier d’instruction qui s’impose aux parties. L’article R. 611-7-1 lui permet enfin de fixer par ordonnance la date Ă laquelle plus aucun moyen nouveau ne pourra ĂŞtre soulevĂ©.
En l’Ă©tat du droit, le droit au recours des administrĂ©s Ă l’encontre des dĂ©libĂ©rations des conseils municipaux apparait donc comme Ă©tant suffisamment encadrĂ©, dans des conditions qui mĂ©nagent un Ă©quilibre entre droit au recours et principe de sĂ©curitĂ© juridique, dans le respect de la libre administration des collectivitĂ©s territoriales.
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