Société fracturée ou archipélisée, pauvreté qui ne diminue pas en dépit de notre système de protection sociale, multiples vulnérabilités, enfants dormant dans la rue, crise des Ehpad, des crèches, de l’aide sociale à l’enfance, professionnels fatigués, conditions de travail dégradées et petits salaires… La crise du travail social s’enkyste, avec un découragement manifeste, dès la formation, des futurs travailleurs sociaux. D’après les chiffres de la Dress, le nombre d’étudiants inscrits au sein d’écoles formant aux métiers sociaux a chuté de 6 % en dix ans et près de 10 % s’arrêtent dès la première année.
Mais cette crise permanente n’est pas une fatalité, selon Nicolas Antenat (1). A l’occasion des journées du travail social de la Fédération des acteurs de la solidarité, les 24 et 25 septembre à Nancy, ce philosophe, formateur et directeur de recherche en écoles supérieures du travail social, a formulé le souhait d’un « travail social radical », qui revienne aux sources de l’engagement quasi politique du terme.
Loin d’une exigence de technicité, il plaide pour un retour au temps long, afin de libérer les travailleurs sociaux de ce qui les empêche : injonction, rationalisation, novlangue managériale, capitalisme extractiviste… Dans la lignée de Bruno Latour, il penche pour la prise en compte de l’urgence écologique dans le même temps que l’urgence sociale, car « on ne peut pas faire de l’écologie sans faire du politique ni du social. Sinon, on fait du jardinage ».
Quelle vision avez-vous de la perte de sens du travail social ?
La seule définition commune des travailleurs sociaux semble être ce sentiment de malaise. Un manque de visibilité, un désarroi face à la multiplication des dispositifs qui répond à la rationalisation instrumentale à l’œuvre depuis une trentaine d’années. On a affaire à un mode d’accompagnement généralisé, cloisonné, catégorisé par, entre guillemets, souci de professionnalisation, d’objectivité et de reconnaissance du travail social.
Sauf que ceux que je rencontre, que je forme ou déforme, disent qu’ils n’arrivent plus, par manque de porosité entre ces dispositifs, à instaurer des accompagnements de qualité, donc dans la durée.
[70% reste à lire]
Article réservé aux abonnés
Gazette des Communes, Club Santé Social
Thèmes abordés