Dans la longue histoire des relations compliquées entre l’Etat et les collectivités, nous vivons une nouvelle séquence exemplaire avec les 1ères annonces des modalités de la nouvelle « contribution des collectivités au redressement des finances ».
C’est donc le CFL qui a eu la primeur le 8 octobre dernier des modalités prévues pour récupérer 5 milliards d’euros (plus la baisse du Fonds Vert de 1,5 Md€). Il s’agirait de l’instauration « d’un mécanisme de précaution pour les collectivités », une sorte d’auto-assurance, sur le modèle de la mise en réserve de DMTO pour les départements. Pourquoi pas…
Le mécanisme pourrait concerner plus de 400 collectivités, ayant un budget de fonctionnement supérieur à 40 millions d’euros (avec un filet de protection sur la santé financière pour ne pas enfoncer les plus fragiles). C’est là que nous basculons dans une absence totale de stratégie engloutie dans des enjeux de communication.
« Critère de grosseur absurde »
Afin de faire accepter socialement les ponctions pour la baisse du déficit, il a été décidé de viser « les plus gros » (65.000 foyers fiscaux gagnant plus de 500.000€ annuels, 300 grandes entreprises qui ont un chiffre d’affaires supérieur 1 Md €). Si on peut comprendre cette logique d’équité fiscale pour les citoyens et les entreprises, il est totalement absurde de transposer ce critère de « grosseur » sur les collectivités. C’est pourtant ce qui se profile.
Que nous dit le BIS n°188 d’octobre de la DGCL : « la situation financière des communautés de communes est plus favorable que celle des autres groupements à fiscalité propre. Leur taux d’épargne est supérieur, le délai de désendettement toujours limité à 3 ans », car « elles sont […] moins exposées aux charges de centralité que les territoires plus peuplés et urbanisés. Du fait de leurs compétences moins étendues ».
Au 31 décembre 2023, la trésorerie des collectivités était de 52,5 Md€ dont 29,3 Md€ pour les communes, dont 27 milliards (92% !) sur les moins de 50.000 habitants et 17 milliards (59%) les moins de 5000. Elle est en moyenne de 1149€ par habitant dans les moins de 500 habitants contre 239€ entre 50 et 100.000 et 87€ au-delà.
Il ne s’agit pas d’opposer les gros aux petits, urbains et ruraux, mais juste d’illustrer que la richesse, les réserves et les besoins ne sont pas proportionnels à la taille. Ponctionner les « gros », c’est assécher les collectivités qui portent l’essentiel de l’investissement. Il n’est pas interdit à Bercy de simuler les différents scénarii pour en mesurer les conséquences respectives. Il est évident que toutes ces mesures économiques auront un effet récessif, et il est certain que faire peser l’effort sur les collectivités qui investissent davantage aura plus d’effets négatifs qu’une répartition différente, sollicitant pour partie la trésorerie superfétatoire de collectivités moins dynamiques. Le choix des départements épargnés peut interroger également.
Répartition de l’effort en fonction des facultés de chacun
Dernière illustration de cette application sélectivement aveugle : un regard sera-t-il un jour jeté sur les moyens considérables dévolus à certains syndicats départementaux, surtout d’électricité (trésorerie pléthorique, dette quasi nulle, gestion confortable) ?
Les efforts des collectivités ne seront ni partagés, ni pertinents pour l’efficacité économique. Pour être compris, ils auraient pu, comme pour les impôts, « être également répartis […] en raison de leurs facultés ». La démagogie du rabot sur le haut ne peut tenir lieu de stratégie. Tant mieux pour les plus petits, mais l’œil du Cyclope de Bercy, qui ne voit que ce qui est gros, aurait sans doute besoin d’un ajustement de sa perspective pour viser plus juste.
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