La crise politique que nous traversons n’est pas que le résultat d’un scrutin, elle est, de mon point de vue, le marqueur aigüe de l’obsolescence d’une organisation. Le centralisme excessif est daté. Le XXIe siècle sera celui d’un retour du terrestre. L’enjeu social deviendra géo-social comme l’annonçait l’anthropologue et sociologue Bruno Latour (1). C’est aujourd’hui le temps des territoires.
Une majorité de projet pour nos territoires
Ce centralisme, devenu aussi inconséquent qu’indécent, n’est ni efficace, ni le signal d’une nation forte. Il porte en germe l’appauvrissement du socle territorial autant que des valeurs qui font « nation » : notre souveraineté économique, au défi d’une dette excessive ; nos ambitions régaliennes, entamées par l’attrition des ressources ; notre aménagement du territoire, dont les Français perçoivent qu’en y renonçant, c’est leur propre patrimoine qui disparait.
C’est pour cette raison, qu’à la crise politique que nous vivons, témoin caricatural de cette fin de cycle, il me parait essentiel de répondre par une proposition en rupture avec le centralisme excessif, en cherchant une majorité de projet pour et par nos territoires…
L’idée est assez simple ; elle convoque les Présidents de région dans la formation d’un exécutif collégial. Elle s’inspire du modèle allemand dont nous louons les capacités de compromis, en oubliant trop vite que cette culture s’encastre dans un format décentralisé de la vie politique et du dialogue social. C’est à la maille des territoires, dans le concret des projets, que se façonne un dialogue constructif, libéré de la toxicité d’idéologues dogmatiques et rétrogrades.
Concrètement, l’idée est de composer un gouvernement avec nos 18 présidents de région de métropole et d’outre-mer, qui se partagent les fonctions ministérielles, en binôme avec 18 secrétaires d’État techniciens en charge de l’application des mesures prises. Cet exécutif, enraciné, aurait la double mission : de répondre aux préoccupations des Français, en agissant là où ils vivent, pour le développement économique, l’emploi, le logement et les services publics ; et de renforcer l’action régalienne en veillant à ce qu’elle se déploie plus équitablement dans l’ensemble des territoires.
Trois atouts politiques majeurs
Un avantage démocratique : La légitimité des exécutifs régionaux (élus au scrutin proportionnel) est incontestable, elle est riche d’élus, de droite, de gauche, du centre et d’autonomistes qui ont en commun une promesse de prospérité ; elle garantit une double représentativité politique et territoriale de l’exécutif gouvernemental, neutralisant ainsi la qualification « hors sol » dont souffre les acteurs nationaux.
Une promesse d’efficacité : Les ministres travaillent ensemble à l’optimisation des politiques publiques en ajustant les solutions aux attentes qu’ils connaissent dans leurs propres régions. Ils mettent en place de nouvelles mesures structurelles de simplification, de répartition de compétences et une trajectoire budgétaire audacieuse inspirée (opportunément) des propositions récentes des rapports Woerth et Ravignon.
Une ambition : Ce gouvernement incarne une nouvelle approche décentralisée de l’action publique. Il inaugure une politique moderne d’aménagement du territoire fortement exprimée au cours des crises récentes. Il revisite en profondeur les grands enjeux de compétitivité, de cohésion sociale et de transition énergétique en veillant à ce qu’ils embarquent tous les Français plutôt que de les perdre dans les méandres labyrinthiques du centralisme.
Nous avons besoin de ce décentrement au plus près de chaque Français.
Cette initiative ancre l’activité parlementaire dans les réalités vécues ; elle donne au Président l’opportunité d’aller au bout de l’acte décentralisateur qu’il a appelé de ses vœux ; elle donne aux Français l’assurance que le projet politique repart de là où ils vivent ; elle ouvre un chemin de réconciliation dont nous avons tant besoin.
Ce projet participe d’un apaisement et d’une vision partagée qu’il est urgent de proposer. Il met la démocratie de proximité au service d’une confiance retrouvée dans nos institutions nationales.
Et si nous faisions de cette crise une chance … ?
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