L’annonce par le Président de la République, lors de son discours devant l’Assemblée de Corse le 28 septembre dernier, d’une réforme constitutionnelle qui aurait pour effet « que les spécificités de la communauté insulaire Corse soient reconnues dans la Constitution au sein d’un article propre, celle d’une communauté insulaire, historique, linguistique et culturelle » constitue un événement majeur pour l’avenir de la Corse. Cela marque un changement notable de l’approche politique de la question corse au sommet de l’État.
« Un temps fort qui marquera les relations entre l’État et la Corse »
Le discours du Chef de l’État a aussi fixé un niveau d’ambition en évoquant l’autonomie, jusqu’ici totalement écartée par les constitutionnalistes français : « Au fond, ayons l’audace de bâtir une autonomie à la Corse, dans la République. Cette autonomie doit être le moyen pour construire, ensemble, l’avenir, sans désengagement de l’État. Ce ne sera pas une autonomie contre l’État, ni une autonomie sans l’État, mais une autonomie pour la Corse dans la République. »
Ce discours est incontestablement un temps fort qui marquera les relations entre l’État et la Corse. Il intervient après un demi-siècle d’une « revendication corse » qui ne s’est jamais démentie, et qui a même, dans les dix dernières années, connu une progression politique très forte du fait des résultats électoraux des forces politiques nationalistes : première victoire en 2015, grâce à une majorité relative obtenue avec 35% des voix ; large victoire absolue en 2017 avec 56 % des voix ; confirmation éclatante en 2021 avec 68% des voix.
Face à cette demande démocratique forte, jusqu’à mars 2022, la réponse de l’État a été décevante, créant en Corse une très grande frustration. Dans ce contexte, l’assassinat d’Yvan Colonna dans sa prison, dans des conditions suspectes, par un co-détenu islamiste connu comme très dangereux mais inexplicablement laissé libre de ses mouvements, a généré un sentiment de révolte qui a débouché sur des manifestations massives qui ont fini en véritables émeutes. C’est pour faire face à cette situation très dangereuse que le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, a été envoyé en Corse pour engager un premier dialogue. Ce « processus de Beauvau », avec le récent discours d’Emmanuel Macron, a bénéficié d’un second souffle et chacun attend qu’il soit suivi de l’instauration d’une autonomie pour la Corse.
« Un chemin encore long »
Le chemin qui doit y conduire est encore long. Une réforme constitutionnelle est une procédure très lourde qui doit recueillir les votes favorables de l’Assemblée Nationale et du Sénat, puis les trois cinquièmes du Congrès de Versailles.
Mais ce chemin se doit d’être parcouru. Pour répondre à l’attente démocratique du peuple corse qui s’est exprimée de façon indiscutable. Et aussi pour le rayonnement de la France. Durant dix années de mandat passées au Parlement Européen, j’ai souvent échangé avec des députés d’autres pays et d’autres partis que le mien. Et chaque échange a débouché sur une réflexion qui en fait interrogeait l’attitude de l’État français. Tout le monde constate que l’autonomie des îles en Italie (Sardaigne, Sicile) et en Espagne (Baléares) débouche sur une stabilité politique durable, alors que la position jacobine intransigeante de la France a créé des décennies d’instabilité politique en Corse.
D’ailleurs les réactions des élus de Bretagne, d’Alsace, de Catalogne, du Pays Basque, ont traduit l’espoir suscité dans ces régions aux particularités fortes pour que les changements effectués par rapport à la Corse soient potentiellement prometteurs d’une France qui sortirait enfin de son carcan jacobin.
C’est en tout cas l’espoir que je formule en tant que Président de la Fédération Régions et Peuples Solidaires.
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