Les maltraitances subies par des personnes vulnérables dans le cadre de l’accès à la culture, un droit garanti par la Constitution, comme le droit à la santé, à l’éducation, sont sous le coup d’une omerta. Pourtant les conséquences néfastes des maltraitances culturelles peuvent être considérables.
Pour une définition de la maltraitance culturelle
Si l’on se réfère à la définition juridique de la maltraitance inscrite dans le code de l’action sociale et des familles et si l’on en reprend les termes essentiels, il est possible de proposer la définition suivante de la maltraitance culturelle : elle concerne toute personne en situation de vulnérabilité dans ses conditions de participation à la vie culturelle et dans ses possibilités de choix de modes de vie. Elle peut être observée lorsqu’une parole, un geste, une action ou un défaut d’action compromet ou nuit au développement, aux droits, aux besoins fondamentaux ou à la santé de cette personne et lorsque cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, d’accompagnement ou de soin. Les situations de maltraitances culturelles sont susceptibles d’être ponctuelles ou durables, intentionnelles ou non. Leur origine est soit individuelle, soit collective (voire institutionnelle).
Une forme de maltraitance qui devrait interroger l’État et les collectivités
L’inaction de l’État mais aussi des collectivités territoriales qui ont, selon la loi NOTRe, la responsabilité partagée de l’effectivité́ des droits culturels, a conduit à l’absence d’organisation de la continuité de l’accès au service public de la culture pour les personnes vivant en isolement contraint. Les principes constitutionnels d’égal accès, de garantie de continuité et d’adaptabilité ne sont pas appliqués pour ce service public.
Ce défaut d’action contribue fortement à l’isolement de personnes vulnérables vivant en Ehpad, en maison d’accueil spécialisée et autres institutions dans lesquelles des collectivités assument des responsabilités. Il porte gravement atteinte à leurs droits, à leur développement et à leur santé. Ce défaut d’action conduit de facto à une déchéance de la citoyenneté culturelle de centaines de milliers de personnes vulnérables.
Par ailleurs, des personnes en situation de handicap et âgées en manque d’autonomie sont maintenues dans un environnement ne leur permettant aucune possibilité d’accès à l’information ni à des activités culturelles tant réceptives que participatives. Elles subissent une privation totale d’accès à la culture, conceptualisée en tant que l’« Exclusion culturelle absolue », l’ECA.
Nombre de personnes connaissent cette maltraitance culturelle extrême, notamment des personnes âgées en Ehpad et en domicile privé ainsi que des enfants et adultes polyhandicapés, en état végétatif et/ou pauci relationnel. Ces personnes considérées seulement au regard de leurs seules données biologiques n’ont accès qu’à des soins de nursing. L’ECA peut conduire à des syndromes de glissement et ainsi des personnes deviennent grabataires, connaissent de grandes souffrances physiques, psychiques et une mort prématurée.
Une autre forme de maltraitance culturelle est pratiquée dans des conservatoires et des centres d’animation dépendants de collectivités, une ségrégation consistant à regrouper des personnes handicapées à l’écart des personnes valides dans des ateliers musique et handicap, danse et handicap. Dans des institutions sanitaires et médico-sociales ayant divers types de liens avec l’État et les collectivités, il est demandé à des professionnels paramédicaux et de l’animation sociale n’ayant aucune formation ni compétence dans le domaine artistique et culturel, d’animer des chorales, des ateliers de musique, d’arts plastiques, de danse, de théâtre.
Certains de ces professionnels perçoivent le caractère maltraitant de ce principe de substitution de professionnels de la culture par des soignants et des travailleurs sociaux, principe instauré de longue date, et se sentent eux-mêmes en souffrance professionnelle. La plupart de ces institutions ne proposent que de l’animation occupationnelle, aucune action culturelle, aucun accès à l’éducation et à l’enseignement artistique ; les origines, les identités culturelles des personnes accompagnées ne sont pas prises en considération, et nombre de structures réduisent toutes pratiques culturelles et de loisirs à des activités dites thérapeutiques en ne laissant aucune place à des activités culturelles.
Rappelons que par-delà des responsabilités au sein d’établissements et de services concernés par ces maltraitances, des collectivités ont également des missions portant sur l’insertion et la cohésion sociale, la prévention, la veille et l’alerte sanitaire. Face à l’ampleur des maltraitances culturelles, force est de constater qu’une refondation en profondeur des politiques impactant l’effectivité de la citoyenneté culturelle est indispensable. L’État et les collectivités devraient susciter et soutenir une telle dynamique et prendre dès à présent des mesures fortes pour faire évoluer les représentations et les pratiques.
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