Ancienne adjointe au maire de Paris chargée de l’eau et ancienne présidente d’Eau de Paris, auteure de « Eau : l’état d’urgence », Le Seuil, juin 2023.
L’été 2022, distingué par une sécheresse record, a suffisamment marqué les esprits pour que l’eau devienne enfin un sujet d’actualité. Le 30 mars, le chef de l’Etat présentait le Plan eau à grand renfort d’affichage d’objectifs se voulant ambitieux. Au-delà du terme revendiqué de « sobriété », il est difficile de trouver, dans ce plan de 53 mesures, de véritables tournants ou des actions de transformation. Si quelques annonces sont bienvenues, cela reste une belle histoire truffée de vœux pieux, évitant de s’attaquer sérieusement aux racines des problèmes les moins consensuels, comme le partage des usages et la nécessaire réduction des pollutions.
Approche « technosolutionniste »
Même l’objectif phare de baisse de 10 % des prélèvements d’eau d’ici à 2030 est en recul par rapport à l’objectif actuel, issu des assises de l’eau de juillet 2019, d’une baisse de 10 % d’ici à 2024 et de 25 % d’ici à 2034. La mission interministérielle chargée d’analyser la gestion de l’eau dans le cadre de la sécheresse préconise pourtant de suivre l’objectif de réduction des prélèvements d’eau fixé par les assises… Et le jour même de l’annonce de ce plan, le ministre de l’Agriculture rassurait le monde agricole en lui expliquant qu’il n’y aurait pas de baisse de prélèvements pour lui !
Ce plan gouvernemental développe sans surprise une , où sont privilégiés les investissements dans les tuyaux, le développement d’équipements pour économiser l’eau et des technologies de réutilisation des eaux usées. La logique est de conserver le même modèle de développement économique et agricole, les mêmes usages, en prélevant un peu moins et en créant des ressources additionnelles par la réutilisation des eaux usées, sans tirer de leçon du constat fait d’une mauvaise gestion de l’eau et des milieux aquatiques.
Admirable tour de passe-passe
Par ailleurs, cette communication gouvernementale a clairement été axée sur les pertes d’eau dans les réseaux, orientant principalement l’action à mener vers les collectivités et les citoyens. Cela évite ainsi de s’attarder sur les prélèvements agricoles et industriels, et laisse croire qu’il y a encore des marges de manœuvre sur les quantités prélevables. L’Etat a mentionné 475 millions d’euros par an pour accompagner la mise en œuvre du plan via les moyens « rehaussés » des agences de l’eau. Admirable tour de passe-passe qui ne coûte rien à l’Etat mais aux usagers de l’eau qui payeront la hausse correspondante des redevances aux agences. Et parmi les usagers, ce seront comme toujours les citoyens qui subiront la hausse des factures d’eau, alors que les industriels, les énergéticiens et, surtout, les agriculteurs sont marginalement mis à contribution.
Face aux tensions accrues autour de l’eau, l’heure n’est plus au statu quo. Il est urgent de sortir l’eau de la sphère technologique/cratique dans laquelle elle a été enfermée depuis des décennies pour devenir un enjeu de débat politique. Il faut réaffirmer le caractère de bien commun de l’eau, dont la gestion gagne à être gouvernée au nom de l’intérêt collectif, englobant tous les écosystèmes vivants et dans une démocratie renouvelée.
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