Pauline Véron, coprésidente de Démocratie ouverte, avocate en droit public au cabinet Foley Hoag
Armel Le Coz, cofondateur de Démocratie ouverte
Lancé par le président de la République début septembre, le CNR part d’un bon diagnostic – notre démocratie est en crise – et d’un bon objectif – innover pour renouer un lien de confiance avec les citoyens en s’appuyant sur leur participation. L’ampleur de l’abstention et de la défiance envers les élus ou les institutions est assez alarmante pour prendre la question à bras-le-corps. Mais plus que de confiance, c’est d’efficacité dont il s’agit : le fonctionnement des institutions, la place donnée aux citoyens permet-elle de répondre durablement au défi climatique, à la crise sociale, énergétique et économique ? Vu l’importance de ces défis et les blocages ces dernières années, difficile de ne pas en douter.
Un nouvel enfumage démocratique
L’analyse est partagée, il est fondamental de réussir une « nouvelle méthode ». Il s’agit de mettre autour d’une même table les pouvoirs publics et économiques, la société civile organisée et les citoyens, et même les médias. D’abord pour tenter de trouver un compromis sur les grandes réformes à mener mais, surtout, pour créer une dynamique collective permettant de coopérer et de trouver des solutions ensemble.
Si l’intention semble être la bonne, plusieurs éléments sont décevants : seuls les représentants des très grosses associations étaient invités. Aucun citoyen tiré au sort. Aucun collectif citoyen, ni acteur de l’innovation démocratique. Un lien très flou à la décision. Et une règle du jeu si peu claire qu’elle a fait fuir les oppositions parlementaires et une partie des grandes associations et syndicats conviés, craignant « un nouvel enfumage démocratique ».
Pourtant, un autre CNR est possible ! Cette nouvelle méthode, nous la testons depuis dix ans avec notre labo d’innovation démocratique. Avec nombre de collectivités, nous menons des expérimentations locales permettant aux parties prenantes d’un territoire de s’engager et de coopérer autour de projets communs. Et c’est parce qu’ils sont communs qu’ils réussissent !
Distiller une vraie culture de la coopération
Nous appelons le président de la République, le gouvernement et le secrétaire général du CNR à s’inspirer des bonnes pratiques locales et de nos expérimentations. Et si, demain, le CNR permettait, depuis les territoires, d’accélérer les transitions locales en inscrivant, dans une même dynamique, les acteurs politiques, médiatiques, économiques, sociaux et environnementaux, avec des citoyens tirés au sort, dans une logique de coconstruction des solutions et de codécision des actions à mettre en œuvre ensemble ?
Et si, demain, le CNR permettait de faire remonter au niveau national les bonnes pratiques locales pour que la construction des lois soit ancrée dans les réalités de terrain ? Et si, demain, le CNR réussissait à distiller une vraie culture de la coopération, depuis nos territoires jusque dans nos institutions nationales et européennes ?
C’est ce que nous appelons de nos vœux, pour un autre CNR, plus ouvert aux citoyens, plus ancré dans les territoires et plus coopératif.
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