Au milieu de l’été, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, avait annoncé la parution prochaine d’un décret dont l’objet sera la réduction de la publicité lumineuse. Il s’agit d’un décret d’application de la loi « Climat et résilience » qui concernera tout particulièrement les collectivités, avec la mise en place d’une réglementation harmonisée pour l’ensemble du territoire et la création d’une contravention de 5e classe en cas de non-respect des obligations.
Alors que les discussions autour de la sobriété énergétique se font de plus en plus tendues et que les inquiétudes pour la période hivernale sont grandissantes, notamment dans les collectivités, le ministère de l’Energie prépare un second projet de décret, dévoilé par le média « Contexte », « portant obligation d’extinction des publicités lumineuses en cas de situation de forte tension du système électrique ».
Extinction à toute heure
Il s’agit cette fois-ci d’un décret d’application de la loi dite « Pouvoir d’achat » du 16 août, dont l’article 31 prévoit que : « En cas de menace pour la sécurité d’approvisionnement en électricité, sans compromettre les objectifs de sécurité publique et de défense nationale, ainsi que de sûreté des installations et ouvrages sensibles, le ministre chargé de l’énergie peut interdire toute publicité lumineuse, toute publicité supportant des affiches éclairées par projection ou transparence ou toute publicité numérique en agglomération et hors agglomération, sur les voies ouvertes à la circulation publique, ainsi que dans les aéroports, les gares ferroviaires et routières et les stations et arrêts de transports en commun de personnes. Le présent article s’applique également aux publicités situées à l’intérieur d’un local lorsque leur emplacement les rend visibles depuis la voie publique. »
Un article qui permet, si les conditions sont remplies, d’aller beaucoup plus loin que le premier projet de décret puisque qu’il n’y est pas question d’horaires et que les installations des gares et aéroports sont aussi concernées.
Le décret d’application de ces dispositions prévoit une entrée en application dès le 1er octobre 2022 pour les publicités numériques et pour les publicités dont le fonctionnement ou l’éclairage est pilotable à distance, et à partir du 1er juin 2023 pour l’ensemble des publicités mentionnées à l’article L.143‑6‑2 du code de l’énergie (cela concernera, notamment, environ deux tiers du mobilier urbain, selon le ministère de l’Energie).
Le projet de texte, qui doit passer pour avis devant le Conseil supérieur de l’énergie le 8 septembre, prévoit donc qu’en cas de « menace grave et imminente sur la sécurité d’approvisionnement en électricité et lorsque les analyses prévisionnelles du gestionnaire du réseau public de transport montrent que les mécanismes prévus aux articles L.321‑10 à L.321‑13 peuvent être considérés comme insuffisants pour assurer l’équilibre des flux d’électricité sur le réseau, le gestionnaire du réseau public de transport publie, au plus tard la veille du jour concerné, l’information selon laquelle le système électrique sera dans une situation de forte tension ».
Des consommations superflues
Sauf si le ministre chargé de l’énergie s’oppose, totalement ou partiellement, à cette mise en œuvre, lorsque le système électrique est dans la situation de forte tension, le projet de texte prévoit que toutes les publicités mentionnées à l’article L.143‑6‑2 sont éteintes.
Sur les économies qui seraient générées si ce dispositif était enclenché, le ministère de l’Energie indique être « en cours de chiffrage, dans le cadre du plan “sobriété”. Il ne s’agit pas, a priori, d’économies très significatives, mais qui, en cas de tensions sur le réseau, ont leur utilité. »
En 2019, dans son bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en France, RTE, le gestionnaire du réseau public de transport (GRT) d’électricité français, proposait déjà de généraliser le dispositif d’information EcoWatt au niveau national pour l’hiver 2020 et d’approfondir les solutions permettant d’agir ponctuellement sur certains types de consommation lors des périodes de tension. Ce bilan visait déjà, dans cette proposition, les panneaux publicitaires et les qualifiait de « consommations “superflues” en période de pointe (écrans publicitaires, éclairage de devantures…) ».
Toujours selon ce bilan, « en retenant l’hypothèse que les trois quarts des panneaux publicitaires puissent être éteints en période de tension sur le système électrique, on obtient un levier à la baisse de 0,1 GW environ ». Pour les auteurs du rapport, activer ce levier en période de pointe permet de « limiter légèrement les appels de puissance », mais ils relèvent aussi qu’il s’agit de revêtir « un caractère d’exemplarité ».
Enfin, en l’état, le décret ne prévoit aucun dispositif de contrôle du respect de cette interdiction, ni si les collectivités, par le biais notamment de leurs polices municipales, auront un rôle à y jouer.