La délocalisation du siège de l’Office national des forêts (ONF), annoncée la semaine dernière, s’inscrit dans une réforme plus vaste, source d’inquiétude pour les syndicats qui dénoncent une gestion « comptable » des forêts françaises au détriment parfois de l’environnement.
Deux actions syndicales programmées au mois d’octobre témoignent de ce malaise :
- Le 9 octobre 2008, les 250 agents du siège parisien de l’ONF sont appelés à faire grève et à manifester par quatre syndicats contre leur délocalisation à Compiègne (Oise) ;
- La CGT et Solidaires organisent le 14 octobre 2008 une manifestation nationale pour l’ensemble du personnel à Cérilly (Allier)
« Délocaliser un siège alors que l’avenir de l’ONF est incertain, ça n’a pas de sens », souligne Marc Coulon (FO). « Ce qui se passe à l’ONF rejoint ce qui se passe à La Poste ou à France Télécom », ajoute Pascal Leclercq, responsable de la CGT-Forêt, dont le congrès s’est achevé le 3 octobre à Gérardmer (Vosges).
La direction met en avant la hausse des cotisations patronales liées aux retraites des fonctionnaires (de 33% en 2006 à 70% en 2011): cela « représente un surcoût de 25 millions d’euros en 2009 » pour l’ONF, a expliqué Pierre-Olivier Drege, son directeur général. Ceci « nous conduit à anticiper et à accélérer la réorganisation de nos structures en particulier en fusionnant des directions territoriales », a-t-il ajouté, tout en soulignant que « la situation (de l’ONF) était saine et même bénéficiaire en 2007 ».
La CGT dénonce la perte d’un tiers des effectifs en 20 ans, à 10.181 équivalents temps plein contre 15.000. Une tendance qui devrait se poursuivre avec le « non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux à la retraite », comme l’a précisé la direction lors d’un conseil d’administration le 25 septembre.
Dans le même temps, la contribution de l’Etat aux interventions des agents dans les forêts des collectivités a diminué de 70 millions d’euros, selon la CGT.
Conséquence, l’établissement doit « s’autofinancer de plus en plus » et « privilégier des activités rentables », délaissant « ce qui faisait sa raison d’être, la préservation de la biodiversité », selon Pascal Leclercq.
« Aujourd’hui, on renouvelle plus vite les peuplements de chênes, on accélère les coupes et quand nos directeurs trouvent qu’on ne marque pas suffisamment de bois (pour les vendre, ndlr), on refait les aménagements pour les rendre plus productifs », témoigne Michel Benard, 56 ans, technicien opérationnel de l’ONF en Ile-de-France. Ce qui peut aboutir à un « déséquilibre des classes d’âge », voire à une perturbation de l’écosystème, explique-t-il.
Marc Coulon (FO) est plus mesuré : « la direction a tendance à mobiliser pour vendre plus de bois qu’elle n’en vendait les années précédentes mais la forêt pousse un peu plus vite », dit-il. « Actuellement, toute la forêt française est dans une situation de sous-exploitation importante, on prélève seulement 60% de la croissance biologique annuelle », argumente le directeur-général.
François Mancebo, professeur d’Aménagement à l’université de Grenoble I, constate lui une « réelle amélioration » de l’ONF dans sa gestion de la forêt par rapport aux années 60. Toutefois, note-t-il, les forêts françaises « sont mal entretenues et dans un piteux état au regard de ce qu’on peut trouver en Europe et clairement, l’ONF a un rôle là-dedans ».
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