C’est devenu un serpent de mer : les collectivités doivent bénéficier d’un débat parlementaire spécifique pour définir leurs ressources. Sans aller jusqu’à réclamer une loi, la Cour des comptes a reformulé mercredi 18 novembre lors de la publication de son rapport sur la gouvernance des finances publiques, sa recommandation fétiche depuis quelques années à l’endroit des collectivités : la mise en place d’une nouvelle mission budgétaire qui rassemblerait l’ensemble des crédits versés par l’État aux collectivités territoriales. De cette manière, le financement du secteur local aurait lieu dans une discussion globale de façon plus « visible » espère son Premier président Pierre Moscovici. Et c’est pourrait bien être le seul avantage. Cette proposition ne va en effet pas aussi loin qu’une loi de financement et ressemble plus à une volonté de ranger l’étagère qu’a en faire l’inventaire. Mais ce n’est à vrai dire pas vraiment le rôle des magistrats financiers.
Une revendication récurrente
Les élus locaux en revanche l’ont demandé à chaque fois que leurs ressources étaient menacées. Dès le début du quinquennat Hollande et particulièrement quand les dotations ont commencé à baisser, François Baroin, président de l’AMF réclamait un tel texte, à l’instar des autres associations du bloc local. Il y a tout juste un an, c’est Emmanuel Macron lui-même qui l’évoquait devant un parterre de 2000 maires triés sur le volet en parallèle du congrès des maires. Aujourd’hui, avec le retour de la crise économique et son corollaire de menaces sur les ressources locales, la question de la loi de financement remonte sensiblement dans les couloirs des associations et jusqu’aux travées parlementaires sous forme de loi d’objectifs, de programmation, pluriannuelle ou simplement annuelle.
Dans l’esprit de leurs laudateurs, ce désir de loi provient souvent du besoin de s’assurer une certaine visibilité avant de se lancer dans des investissements coûteux. Mais d’autres conçoivent ce texte comme une garantie contre les manquements de l’Etat ou ses attaques sur leur panier fiscal. A bon droit : l’Etat n’a eu de cesse de rogner ces dernières décennies l’autonomie fiscale des collectivités en remplaçant la taxe d’habitation, puis la taxe d’habitation et désormais une part de la CVAE, de CFE et de taxe foncière pour les locaux industriels en dotations.
Derrière l’opportunité –ou non – d’une loi qui donnerait un cadre des relations financières entre l’Etat et les collectivités se cache en effet le débat à 100 000 volts de l’autonomie fiscale versus autonomie financière des collectivités. Demander une garantie légale à l’Etat bien compréhensible au vu de sa politique de recentralisation rampante des recettes locales, c’est aussi signer une décharge financière complète au profit de l’Etat, c’est-à-dire confier toute la ressource locale à l’Etat et se transformer en Länder français.
Derrière la loi, un débat…ou pas
Le ministre délégué aux Comptes publics Olivier Dussopt, ancien élu local et ex-président de l’Association des petites villes de France résume ainsi la question avec acuité : « Je ne pense pas qu’une loi de financement soit, au-delà des difficultés techniques déjà identifiées, de nature à porter des éléments très rassurants » assure-t-il dans une interview accordée à la Gazette des communes. « Ce qui rassure, ce sont les outils qu’on met en œuvre. Qu’ils soient inscrits dans une loi de finances de l’Etat ou dans une loi de financement spécifique, ça ne change pas la nature de l’outil. En revanche, si on doit réfléchir à une loi de financement des collectivités en lien avec le débat sur l’autonomie financière et l’autonomie fiscale, ça change peut-être la donne : qui dit loi de financement des collectivités dit loi de financement par l’Etat et donc dit capacité de l’Etat à maîtriser l’évolution des recettes et des dépenses locales. Il y a donc une forme d’antinomie avec l’autonomie dont beaucoup se prévalent. ». Et de conclure : « Je suis persuadé qu’après cette crise le débat sur l’autonomie fiscale ne sera plus posé comme avant ».
Encore faut-il qu’il y ait matière à débattre : l’autonomie fiscale est déjà réduite à l’état de zombie et l’autonomie financière déjà consacrée constitutionnellement. Au point de reléguer les élus locaux au rang de « gestionnaires des dotations de l’Etat » selon le député Charles de Courson, député Libertés et Territoires de la Marne. Pour ceux que le député désigne comme des « moines mendiants », le match serait-il donc déjà joué ?
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